Burkina : parole d’observateur

Publié le 20 novembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Mandaté par l’Observatoire européen pour la démocratie et le développement (OEDD), j’ai fait partie de la Commission d’observateurs internationaux chargés de superviser le déroulement de l’élection présidentielle au Burkina Faso, le 13 novembre 2005. Composée de dix membres, cette structure comprend un ministre, plusieurs conseillers d’État, un membre du Conseil constitutionnel français, des avocats, des professeurs de droit, un recteur d’université, le doyen de la faculté Paris-V ainsi que votre serviteur.
Le froid parisien derrière nous, nous avons été accueillis à l’aéroport de Ouaga par la chaleur africaine et le sourire spontané des Burkinabè. En rejoignant notre hôtel, nous avons pu assister aux ultimes moments de la campagne électorale : des foules en plein air s’activaient autour de différents candidats. Douze prétendants à la présidence, dont son actuel occupant, s’affrontaient depuis des semaines pour rallier à eux les voix des électeurs.
Le lendemain de notre arrivée, nous avons été reçus par le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et son adjoint, un magistrat, qui nous ont exposé le processus électoral dans ses moindres détails. Toutes nos questions relatives au scrutin, à son déroulement et à ses modalités pratiques ont trouvé une réponse.
De retour à notre hôtel, nous avons eu la surprise d’y trouver l’un des douze candidats qui souhaitait nous rencontrer. Cet opposant au régime était venu accompagné d’un député et de son secrétaire particulier. Il nous a exposé ses doléances. Le dialogue fut des plus francs.
Notre mission a réellement commencé le dimanche 13 novembre. En compagnie de Jean-Paul Joubert, le directeur du département des sciences politiques de l’université de Lyon, je me suis rendu à Fada Ngourma, une ville située à 240 km de Ouagadougou, dès 6 heures du matin. Dans la cité comme dans les villages et les campagnes alentour, nous avons visité de très nombreux bureaux de vote. Pendant douze heures, je me suis déplacé de l’un à l’autre avec le même souci d’objectivité. Et je puis confirmer ici sans aucune complaisance que le scrutin de cette journée s’est déroulé dans les meilleures conditions partout où je me suis rendu.
Tous les électeurs ont voté dans la dignité, le calme et la discipline. Des sourires attachants et un noble patriotisme pouvaient se lire sur les visages. Des femmes avec leurs bébés, des jeunes, des vieillards, – certains très pauvres -, affichaient leur fierté d’accomplir leur devoir de citoyen en toute liberté.
Les bureaux de vote, presque toujours situés dans des écoles primaires, sont bien tenus dans l’ensemble. Le président, le vice-président et les deux assesseurs, toujours souriants, sont prêts à expliquer aux non-initiés les règles du scrutin. Dans les salles, urnes et isoloirs sont impeccables. La participation importante des femmes m’a tout particulièrement étonné. À l’extérieur, la présence des agents de sécurité est plutôt discrète. On ne peut pas en dire autant, en revanche, de celle des délégués des candidats en lice, des jeunes et des femmes pour la plupart, qui veillaient au bon déroulement des élections. À notre éternelle question : « Y a-t-il quelque chose à signaler ? » une réponse revenait invariablement : « Non, ça va très bien, tout se passe très bien. » Rien à signaler donc, à l’exception de l’ouverture de deux bureaux de vote avec vingt minutes de retard. Un dysfonctionnement qui a bien sûr été signalé à la Ceni.
Nous avons pu également assister au dépouillement du scrutin et voir comment les représentants des candidats veillaient scrupuleusement à l’authenticité des procès-verbaux en quatre exemplaires.
Le bon déroulement de ces élections au Burkina Faso me réjouit énormément, car le pays compte parmi les plus pauvres de la planète. Malgré cette donnée, il a réussi en effet à accueillir 1 000 observateurs, dont 600 internationaux, qui ont pu sillonner le pays. Quand on voit douze candidats battre librement campagne et s’exprimer sur un pied d’égalité à la télévision, quand on rencontre, partout dans le pays, des gens de tous âges et de tous horizons s’exprimer sans ambages et sans crainte sur la politique de leur gouvernement, on peut alors effectivement affirmer que le Burkina est sur la voie de la démocratie. Le pays des Hommes intègres est le seul en Afrique où, malgré ses 67 ethnies et autant de langues, musulmans, chrétiens et animistes vivent dans l’harmonie en vue de promouvoir le progrès et la prospérité. Souhaitons-lui donc un franc succès. Beaucoup de pays sur le continent, et des plus nantis, devraient s’en inspirer.

* Ali Smaoui est délégué général de l’Alliance francophone, Gafsa, Tunisie.

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