Ahmed Lahlimi, haut-commissaire au plan du Maroc

Publié le 20 novembre 2005 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique/L’intelligent : Quel bilan tirez-vous du processus de Barcelone ?
Ahmed Lahlimi : Le partenariat euro-méditerranéen devait être gagnant- gagnant. Et assurer, d’une part, aux Européens de maintenir leur compétitivité et leur poids dans le monde et, d’autre part, aux pays du Sud de réussir la mise à niveau de leur économie et la gestion de leur double transition démographique et démocratique. Les déceptions sont évidentes. Les grands conflits qui secouent la Méditerranée n’ont pas été réglés. La croissance des pays du Sud a été compromise par la distorsion qu’ont subie, à leur détriment, les règles du libre jeu de la concurrence et des avantages comparatifs. Et la priorité donnée aux approches sécuritaires, face à la recrudescence du terrorisme international, a sapé le concept d’intégration humaine dans un espace démocratique partagé. En fait, il a manqué au partenariat euro-méditerranéen ce qui a permis à l’Europe de se construire : une utopie fondatrice, des prophètes et une démarche stratégique opérant tant au niveau des secteurs que des nations.
J.A.I. : Comment relancer ce partenariat ?
A.L. : Il faudrait que les opinions publiques européennes s’approprient le projet euroméditerranéen. Et le considèrent non plus comme le support d’un accord commercial, ou d’une entreprise humanitaire au profit des pays du Sud, mais comme un enjeu fondamental pour la compétitivité économique, l’emploi et les revenus de leurs propres pays au cours des trente années à venir. Il faudrait également s’inspirer du modus operandi qui a présidé à la construction européenne, en procédant par cercles concentriques sectoriels et géographiques. Pour être crédible, le processus devra s’appuyer sur des institutions communes responsables. Ses modalités et sa durée devront être assujetties à la mise à niveau économique, sociale et démocratique réalisée par tel ou tel pays ou sous-région du sud de la Méditerranée. Le Maghreb devrait se sentir particulièrement concerné par Barcelone II. Qui pourrait être l’occasion pour ses peuples d’évaluer les dégâts que leur a fait subir l’incapacité de leur État à dépasser leurs conflits marginaux et à réaliser une unité qui, autrement, en aurait fait un partenaire actif et privilégié du projet euro-méditerranéen.
J.A.I. : Le projet américain de « Grand Moyen-Orient » vous semble-t-il plus séduisant ?
A.L. : Il le paraîtra si les promesses euro- méditerranéennes continuent à paraître illusoires. L’UE a, pendant longtemps, justifié les difficultés de Barcelone I par le coût de son élargissement aux pays de l’Est. Rien ne dit que, demain, le Grand Moyen-Orient ne devienne la justification, cette fois-ci par les pays du sud de la Méditerranée, des difficultés de Barcelone II. Il est donc souhaitable que Barcelone II s’attache avant tout à répondre aux attentes concrètes des populations, pour éviter de nouveaux drames humains, comme ceux qui se déroulent actuellement tant aux portes de l’UE qu’en son sein.

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