Ne me câlinez surtout pas !

Publié le 20 mai 2007 Lecture : 2 minutes.

Il y a quelques jours de cela, alors que je marchais tranquillement sur l’avenue des Champs-Élysées, une jeune inconnue qui brandissait un panneau m’a arrêtée pour me serrer dans ses bras. Interdite et un rien crispée, je me suis cependant laissé faire tel un pantin au corps rempli de son. Une semaine plus tard, la même scène s’est reproduite sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Cette fois-ci, c’est un gros gaillard qui a tenu à me donner l’accolade, manquant m’asphyxier contre les chairs molles de son poitrail. Le point commun entre ces deux personnages semblant sortir de la Commedia dell’arte ? Le panneau qu’ils tenaient et sur lequel était écrit « Free Hugs », en français « Câlins gratuits ».

Depuis quelque temps, en effet, des groupes d’individus investissent les lieux touristiques de la capitale. Agrippant leurs panneaux comme des illuminés leur crucifix, l’il exorbité par la beauté de leur action, ils écrasent contre leur torse tous ceux qui passent à leur portée et qui se laissent faire. Et sans dire un mot, s’il vous plaît ! Né à Sydney en 2004, ce drôle de concept a pour but de briser les barrières de l’individualisme et de lever les inhibitions dans les grandes métropoles. Aussi les campagnes Free Hugs font-elles le tour de la Terre. De Séoul à Amsterdam, en passant par New York, cette accolade conviviale fait de plus en plus d’émules dont je ne fais pas partie. Car je ne vois pas beaucoup d’intérêt à ces étreintes soudaines. Quel avantage à communiquer les miasmes de sa transpiration à un(e) parfait(e) inconnu(e) qui vous oubliera la seconde d’après ?

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Je crois que ces Free Hugs seraient plus utiles et plus symboliques dans les contrées où sévit un conflit. Un câlin entre deux factions ennemies, voilà qui serait parlant ! Un sunnite étreignant un chiite, un Palestinien serrant contre lui un Israélien, un soldat américain tapotant le dos d’un insurgé irakien, un taliban embrassant une femme en burqa ou même un Sarkozy faisant l’accolade à un banlieusard, voilà qui ferait avancer les choses et légitimerait ce drôle de mouvement.

C’est pourquoi j’éviterai désormais que quiconque me serre dans ses bras dans la rue. Je n’ai pas besoin de ces nounours humains pour développer la fraternité que je dois nourrir envers mon prochain et dont je veux rester seule maîtresse pour la prodiguer à ceux que j’en jugerai dignes. Plus de câlins, donc, gratuits ou payants ! Sinon, le prochain qui tentera de forcer ma réserve se prendra un autre type de câlin : une beigne.

Cela dit, ami lecteur, permettez-moi, une fois n’est pas coutume, de vous dire quelque chose qui ne m’engage pas et qui est l’équivalent de Free Hugs en turc : Bedava Kucaklama.

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