Assassinat de Rajiv Gandhi

Publié le 20 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

En cette troisième semaine de mai 1991, l’Inde était entrée dans la dernière phase d’une longue campagne électorale en vue des législatives anticipées. Il est 22 heures ce jour-là quand Rajiv Gandhi, chef du parti du Congrès, arrive dans la ville-temple de Sriperumbudur, dans le sud de l’Inde, où il doit participer à un meeting électoral. De la foule en liesse émerge une jeune femme qui lui passe autour du cou une guirlande piégée. Puis elle s’agenouille pour lui toucher le pied, actionnant par son geste la bombe. Rajiv est pulvérisé, ainsi qu’une vingtaine d’autres personnes. L’attentat avait été commandité par la guérilla tamoule du Sri Lanka.

Relégué dans l’opposition depuis sa défaite cuisante de 1989, Rajiv Gandhi s’était personnellement investi dans la campagne électorale pour assurer la victoire du Congrès. Arrivé au pouvoir avec une majorité écrasante en 1984, Rajiv avait dilapidé, par inexpérience, l’immense capital de sympathie dont il bénéficiait en raison de sa jeunesse et, surtout, de son appartenance à la dynastie des Nehru-Gandhi. Deux années dans l’opposition lui avaient permis de réfléchir à ses erreurs passées et au fossé qui s’était progressivement creusé entre lui et la population. Il attribuait cela aux dispositifs sécuritaires qui l’empêchaient d’entrer en contact avec ses électeurs. Aussi, tout au long de la campagne de 1991, avait-il pris l’habitude d’écarter ses gardes du corps pour se mêler à la foule. Une pratique qu’il savait risquée. D’autant plus risquée que la région de Sriperumbudur, où il s’est rendu le 21 mai fatidique, était connue pour être la base arrière des rebelles tamouls sri-lankais. Ceux-ci ne s’étaient-ils pas promis de venger l’envoi en 1987 par le gouvernement indien, dirigé alors par Rajiv, d’une force d’interposition pour mater la rébellion ?

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À sa mort, Rajiv n’avait que 46 ans. Il laissait derrière lui deux enfants et sa veuve d’origine italienne, Sonia. Celle-ci avait lutté de toutes ses forces pour que son mari n’entre pas en politique, mais avait fini par l’accepter, réalisant combien l’histoire de la dynastie des Nehru-Gandhi était liée au destin de l’Inde. Rajiv était le petit-fils de Jawaharlal Nehru, qui fut, avec le mahatma Gandhi (sans lien de parenté avec les Nehru-Gandhi), l’artisan de l’indépendance et son premier président (pendant dix-sept ans). Faisant siens les idéaux des Révolutions française et russe, Nehru a inventé de toutes pièces l’Inde moderne, démocratique, laïque et économiquement indépendante. Un legs que ses héritiers ont mis à mal, à commencer par sa fille, Indira, qui imposera l’état d’urgence pour museler l’opposition.

Après la mort de son fils cadet dans un accident d’avion, Indira propulse sur le devant de la scène son aîné Rajiv, qui n’avait aucun goût pour la chose politique. Pilote de ligne à Indian Airlines, celui-ci s’est toutefois laissé persuader par sa mère de venir la seconder dans sa lourde tâche de diriger l’Inde, avant d’être lui-même nommé Premier ministre par les caciques du Congrès au lendemain de l’assassinat d’Indira par ses gardes du corps. Entérinée par le suffrage universel, la nomination de ce jeune premier à la tête du gouvernement en 1984 avait suscité beaucoup d’espoirs. Rajiv se montrera à la hauteur en s’attaquant à la corruption, ébranlant pour la première fois le dogme du dirigisme économique hérité de l’ère Nehru et créant les conditions de l’émergence d’une classe moyenne urbaine. Malgré ces acquis importants, l’ère Rajiv inspire des sentiments mitigés à cause de l’incapacité de l’héritier de Nehru et d’Indira à résister aux dures réalités de la vie politique indienne et à juguler la violence communautaire. Un phénomène dont Rajiv avait mesuré tout le danger, comme l’attestent ces paroles quasi prophétiques prononcées après l’assassinat de sa mère : « Cette violence, si elle n’est pas stoppée, nous détruira. […] Elle détruira tout ce en quoi l’Inde croit et espère… »

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