Vos lettres et emails sélectionnés

Publié le 20 mars 2005 Lecture : 6 minutes.

Nul n’est irremplaçable
Les chefs d’État mettent rarement en place, au sein de leurs partis, des systèmes politiques susceptibles de déboucher sur une succession transparente à la tête de l’État. Les cas de Mobutu Sese Seko dans l’ex-Zaïre, de Félix Houphouët-Boigny en Côte d’Ivoire, de Laurent-Désiré Kabila en RD Congo et de Gnassingbé Eyadéma au Togo sont là pour nous le rappeler. Nous assisterons vraisemblablement au même chaos en Guinée après Lansana Conté. Nul n’est pourtant irremplaçable, et il serait souhaitable, pour nos jeunes démocraties, de travailler à supprimer les « mandats présidentiels à vie ».

Où se situe la Mauritanie ?
Merci pour le guide que vous nous avez offert (voir J.A.I. n° 2304). Il est heureux que cette série commence par nous, Mauritaniens, les nomades de l’Afrique-terre des hommes, dans le pays du million de poètes. Nous sommes un peuple jeune dont, comme le dit l’éditorialiste, les mentalités ont beaucoup évolué en vingt ans. J’aimerais toutefois savoir dans quelle zone vous classez la Mauritanie : Afrique subsaharienne ou Maghreb ? Nous sommes à un carrefour et servirons, pourquoi pas, de pont entre les deux.
Réponse : Sur le plan humain, la Mauritanie appartient aux deux zones. Mais ce pays ayant quitté la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) pour rejoindre l’UMA (Union du Maghreb arabe), il est logique qu’il apparaisse dans nos pages consacrées à l’Afrique du Nord.

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Unité et réconciliation
Dans votre article sur la Centrafrique (voir J.A.I. n° 2302), vous avez présenté les candidats à l’élection présidentielle comme s’ils provenaient des conseils tribaux des différentes régions du pays, et non comme issus de partis politiques ayant une assise nationale. Pourtant, l’électorat centrafricain n’a pas voté par un réflexe primitif lié à sa région ou à son ethnie. Loin d’être aussi immature que vous le supposez, il est engagé dans un processus irréversible de réconciliation nationale et d’unité, depuis le Dialogue national de 2003. Cette nouvelle donne s’est reflétée à travers la campagne électorale où l’on a vu, par exemple, François Bozizé (du Nord) officiellement soutenu par le Mouvement pour la démocratie et le développement (MDD) du défunt président David Dacko, bien implanté dans le Sud. Nous n’avons qu’un seul pays, la République centrafricaine, avec une seule langue, le sango. On ne peut diviser l’indivisible.
Réponse : Le débat entre vote ethnique et vote politique ne se pose pas qu’en Centrafrique. Ce pays a la chance de n’avoir qu’une seule langue, c’est un facteur inestimable d’unité nationale. Toutefois, le Dialogue de 2003 a aussi dénoncé les réflexes ethniques dans la gestion étatique des vingt-cinq dernières années, notamment dans la distribution des postes politiques et militaires sous les présidences d’André Kolingba (1981-1993) et d’Ange-Félix Patassé (1993-2003). La question reste ouverte. C.B.

Quel avenir pour la RD Congo ?
Que deviendra la République démocratique du Congo après la transition ? Le simple fait de voir quatre présidents à la tête d’un seul pays n’est pas de bon augure. Nous avons traversé une période critique et connu une des rébellions les plus sanglantes des temps modernes. Le peuple congolais est aujourd’hui fatigué des guerres. Il aspire à la paix et au développement. Nous espérons donc que les dirigeants actuels s’entendront et organiseront une élection présidentielle transparente afin que toute la population, y compris celle qui se trouve dans les régions enclavées du pays, puisse voter. Je crains pourtant que la transition ne doive se poursuivre encore au moins deux ans. La situation des routes ne permet pas encore aux hommes politiques d’atteindre les localités éloignées de Kinshasa.

La Monuc en accusation
La Mission des Nations unies en République démocratique du Congo (Monuc) affiche un bilan bien négatif. Elle est arrivée dans mon pays avec le désir de rendre service, comme si c’était possible d’aider autrui les armes à la main. Résultat, les soldats se comportent mal. Ils ont été plusieurs fois accusés de viols. L’offensive du 1er mars a causé la mort d’une cinquantaine d’habitants en Ituri. Légitime défense ? L’argument me semble un peu léger. Pourquoi n’y a-t-il pas les mêmes « hélicoptères d’attaque et blindés légers » pour venir en aide à tous ceux qui supplient les Casques bleus d’intervenir lors des combats qui se déroulent quotidiennement dans tout l’est de la RDC ?

Basri combatif et plein d’humour
L’article que vous consacrez à Driss Basri (voir J.A.I. n° 2304) m’a surprise à plus d’un titre. Contrairement à mes craintes, le texte était « rafraîchissant », voire drôle. M. Basri avait droit de parole et de réplique sur tout ce qui le touchait, et j’ai été étonnée de le découvrir sympathique. Il semble, malgré son âge, fougueux et prêt à en découdre avec quiconque tente d’entacher son honneur. On devine aussi son amour immodéré pour son pays, le Maroc. L’homme ne semble avoir peur de personne et utilise un vocabulaire virulent pour parler de Himma et de son confrère de la police.
Je ne sais s’il est coupable des exactions qu’on lui impute, mais ce qui ressort de cet article-interview, c’est l’image de quelqu’un d’actif malgré une mystérieuse maladie, un homme aux propos saillants et doté d’un sens certain de l’humour.

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Études en France : la galère
Pour les Africains qui veulent faire leurs études en France, la première difficulté est d’obtenir un visa. À mon avis, nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne. Premier élément : il est de notoriété publique que les Maghrébins le paient moitié moins cher que les Subsahariens. Pourquoi ? En ce qui concerne les dossiers d’obtention de ce visa, l’administration française demande maintenant une attestation d’hébergement ou un bail locatif, et un certificat d’assurance pour les plus de 28 ans. Conséquence : d’après mes sources, entre juin et septembre 2004, le consulat de France à Abidjan a délivré environ 120 visas d’études, contre 500 pour celui de Bamako (Mali) et plus de 1 000 pour Alger.
Nous qui avons la langue française en partage, pourquoi ne bénéficions-nous pas de formalités simplifiées, qui nous éviteraient de choisir le Canada, les États-Unis ou la Grande-Bretagne pour faire nos études, au risque d’oublier, demain, la Francophonie ?

Qu’est-ce que la Constitution ?
Selon le dictionnaire Le Petit Robert, la Constitution d’un pays est sa charte, ensemble de textes fondamentaux qui déterminent la forme du gouvernement. Ce n’est pas un ensemble de lois votées pour protéger et conserver un pouvoir destiné à une seule personne, comme ce fut le cas dans l’ex-Zaïre de Mobutu Sese Seko. Ce n’est pas non plus un outil qu’on modèle et modifie à sa guise afin de faire d’une république un héritage familial.
Nous n’aurons jamais assez de mots pour exprimer notre gratitude envers les Nations unies, la Communauté européenne et les États-Unis, qui ont su éviter un bain de sang au Togo.

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Le respect se mérite
Je prends au mot les propos du président congolais Denis Sassou Nguesso (voir J.A.I. n° 2299) pour rappeler un proverbe africain : Quand ceux qui commandent perdent la notion de la honte, ceux qui obéissent perdent la notion du respect.
Depuis les conférences nationales souveraines du début des années 1990, force est d’observer, dans certains pays, le retour sournois des vieilles pratiques du monopartisme dictatorial : prise du pouvoir par les armes, abolition des Constitutions, réconciliations nationales sélectives, oppositions soudoyées, népotisme clanique et favoritisme électoral, confiscation abusive des richesses nationales, etc. Ces comportements, destructeurs à terme, ne peuvent inciter le peuple à respecter les chefs, lesquels ont tendance à sombrer dans l’autoritarisme et l’autosatisfaction. Car l’arrogance et l’égocentrisme sont la cause des maux de nos jeunes démocraties. « Un chef qui se respecte », c’est celui qui sait, parfois, se remettre en question.

Non-assistance à peuples en danger
Imaginez un homme pieds et poings liés, environné par des eaux qui montent, inexorablement. Elles vont l’engloutir. Pour survivre, il doit fuir, nager. Il supplie ses proches de le détacher, en vain. Chacun vaque à ses occupations. Ce malheureux incarne, pour moi, le peuple africain. Il rêve de développement, sait comment agir, mais n’en a pas les moyens, et sa situation se dégrade toujours davantage. Ses proches sont les puissances mondiales. Leurs pressions sur nos dirigeants, leurs aides au développement, leur parrainage pour l’accès à la démocratie peuvent nous tirer d’affaire, mais elles se contentent de nous regarder nous massacrer et tout détruire autour de nous. Elles se taisent, et cette indifférence est coupable. C’est de la non-assistance à peuples en danger.

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