Florence et Hussein

Publié le 20 mars 2005 Lecture : 2 minutes.

A l’heure où ces lignes sont écrites, la journaliste française Florence Aubenas et son guide-interprète irakien, Hussein Hanoun al-Saadi, sont toujours détenus en otages en Irak, où ils ont été enlevés le 5 janvier. Comme pour Christian Chesnot et Georges Malbrunot, la France entière se mobilise pour leur libération. Les journalistes et organes de presse du monde entier – y compris ceux du monde arabo-musulman – manifestent leur indéfectible soutien. Les semaines défilent, l’espoir, la peur, la patience et l’urgence se mêlent inextricablement.
Serge July, le directeur du quotidien français Libération, pour lequel travaille notre consoeur, a achevé le 14 mars une mission de trois jours à Bagdad. Il a pu rencontrer, outre la famille d’Hussein Hanoun, divers responsables français et irakiens, notamment Ghazi al-Yaouar, le président par intérim, et Hochiar Zebari, son ministre des Affaires étrangères. « J’ai fait de cette libération une affaire personnelle, l’a assuré le président irakien. Les journalistes sont des témoins, pas les apologistes d’un gouvernement. Et la France n’a jamais causé le moindre tort à l’Irak. » Cela ne l’a pas empêché de souligner les bizarreries de l’affaire : « Les criminels ont plutôt intérêt à faire vite. Cela n’a aucun sens de prendre des otages, puis de disparaître pendant plus de deux mois. » De fait, les zones d’ombre sont légion, comme l’absence de revendication officielle et la diffusion, le 1er mars, d’une cassette dans laquelle Florence Aubenas implore le tristement célèbre Didier Julia, député et « mouton noir » de l’UMP, de lui venir en aide… L’identité des ravisseurs reste inconnue. S’agit-il d’anciens baasistes affiliés à la « résistance », de simples malfrats, ou des deux à la fois ? L’enlèvement de journalistes ou d’autres civils innocents – n’a rien à voir avec le djihad, l’islam ou la résistance. Et si c’est une affaire crapuleuse, pourquoi les ravisseurs n’exigent-ils pas le versement d’une rançon ?
Pour les journalistes, il n’est pas de mission plus périlleuse que de « couvrir » l’Irak. Selon le Committee to Protect Journalist (CPJ), 37 y ont été tués au cours des deux ans qui ont suivi l’invasion. Seuls 3 d’entre eux ont péri pendant les combats proprement dits. À titre de comparaison, 66 journalistes avaient trouvé la mort pendant les deux guerres du Vietnam, entre 1955 et 1975. La majorité des journalistes tués sont irakiens (19, à ce jour), héros anonymes de la presse de Bagdad. Les envoyés spéciaux occidentaux, qui ne peuvent évidemment pas passer inaperçus, restent le plus souvent cloîtrés dans leur hôtel. Leurs indispensables collaborateurs – chauffeurs, interprètes ou informateurs – paient eux aussi un lourd tribut : 18 Irakiens et 1 Libanais ont trouvé la mort à leurs côtés.
En outre, 27 journalistes ont été pris en otages depuis le début de 2004. La grande majorité (24) a été relâchée, comme notre consoeur italienne Giuliana Sgrena (J.A.I. n° 2305, 13-19 mars 2005), mais deux ont été assassinés. Seuls Florence et Hussein sont encore détenus. La liberté de la presse n’est, hélas ! jamais un droit acquis. C’est un combat de chaque instant, aux quatre coins de la planète. L’enlèvement dramatique de Florence, dont les qualités sont reconnues de tous, nous le rappelle chaque jour qui passe. Notre mission est certes d’informer, mais à quel prix ?

J.A./l’intelligent publiera dans l’un de ses prochains numéros une enquête sur le phénomène des prises d’otages en Irak.

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