Des droits de l’homme en Iran

Publié le 20 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

La situation des droits de l’homme en Iran est loin d’être idéale. Les forces de sécurité harcèlent, emprisonnent et même soumettent à la torture les défenseurs des droits de l’homme et les militants de la société civile. Les autorités s’en prennent aux journalistes et aux écrivains pour des délits d’opinion et interdisent régulièrement des journaux. Des prisonniers politiques se morfondent dans les prisons. On multiplie les citations à comparaître pour intimider les critiques, et les détentions arbitraires sont monnaie courante. Mais la société iranienne refuse de se laisser réduire au silence. La défense des droits de l’homme est un sujet de conversation quotidien dans la population. Les militants considèrent que c’est le moyen le plus efficace d’arracher des réformes démocratiques durables et le pluralisme politique. De fait, on imagine mal à l’étranger la vigueur des organisations iraniennes de défense des droits civiques.

À l’automne 2004, lorsque la police a illégalement incarcéré vingt jeunes journalistes et bloggers coupables d’avoir écrit ce qu’ils pensaient, des organisations indépendantes comme le Centre de défense des droits de l’homme, l’Association des journalistes pour la liberté de la presse et l’Association des étudiants pour les droits de l’homme ont fait campagne pour qu’on les relâche. Cette campagne, soutenue par la communauté internationale et des associations comme Human Rights Watch, a abouti à leur libération. De fait, les violences policières ont été telles que certains des dirigeants les plus haut placés ont fait pression pour qu’on relâche les détenus. Il est essentiel qu’il y ait en Iran des organisations indépendantes pour encourager la culture des droits de l’homme. Mais la menace d’une intervention militaire étrangère risque d’être le prétexte tout trouvé pour les éléments autoritaires qui veulent les empêcher de se développer. Les adversaires des droits de l’homme profiteront de l’occasion pour faire taire leurs défenseurs en les accusant d’être la cinquième colonne de l’ennemi.

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En 1980, après l’invasion de l’Iran par Saddam Hussein et le sursaut de nationalisme, les autorités iraniennes ont utilisé de tels arguments pour mettre au pas les dissidents. L’hypocrisie américaine n’arrange pas les choses. Si l’on songe à l’indulgence avec laquelle le gouvernement américain ferme les yeux sur les violations des droits de l’homme, et en particulier des droits des femmes, commises par ses proches alliés du Moyen-Orient comme l’Arabie saoudite, il est difficile de ne pas penser que l’administration Bush ne met en avant ces violations en Iran que pour couvrir des intérêts stratégiques plus larges. Le respect des droits de l’homme dans quelque pays que ce soir doit émaner de la volonté du peuple et entrer dans le cadre d’un authentique processus démocratique. Un tel respect ne peut en aucun cas être imposé par une puissance militaire étrangère, ce qui serait une contradiction dans les termes. Non seulement une invasion de l’Iran compromettrait le soutien populaire apporté à la défense des droits de l’homme, mais, en causant des pertes civiles et en détruisant des institutions et des infrastructures, la guerre entraînerait également le chaos et l’instabilité. Il est probable que le respect des droits de l’homme serait parmi les premières victimes.
Tout au contraire, la manière la plus efficace de promouvoir les droits de l’homme en Iran est d’accorder un soutien moral et une reconnaissance internationale aux défenseurs indépendants de ces droits et d’insister pour que l’Iran mette en application les lois et les conventions qu’il a signées. Obtenir du gouvernement iranien qu’il se conforme à ces normes internationales est le premier objectif du mouvement iranien. Une intervention militaire étrangère en Iran est le plus sûr moyen de nous affaiblir et de nous empêcher d’atteindre cet objectif.

* Prix Nobel de la paix 2003, Shirin Ebadi est la fondatrice du Centre de défense des droits de l’homme de Téhéran. Hadi Ghaemi collabore à Human Rights Watch.

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