Quand Mitterrand fait ses adieux

Le Promeneur du Champ-de-Mars de Robert Guédiguian (sorti à Paris le 16 février)

Publié le 20 février 2005 Lecture : 3 minutes.

Disons-le tout net : on avait des raisons de se méfier avant de voir Le Promeneur du Champ-de-Mars, qui évoque les dix-huit derniers mois de la vie de François Mitterrand. D’abord, parce que le livre qui l’a inspiré, Le Dernier Mitterrand, du journaliste
Georges-Marc Benamou, avait été, à juste titre, fort critiqué lors de sa parution en 1997 pour sa manière quelque peu légère d’aborder le sujet. Ensuite, parce que, d’une manière générale, le cinéma français n’a jamais démontré sa capacité à traiter de façon
convaincante les scénarios à dominante politique. Enfin, et c’était peut-être l’essentiel,
parce que Robert Guédiguian ne paraissait pas le mieux qualifié pour réaliser un tel film.
L’auteur de Marius et Jeannette et de tant d’autres chroniques sympathiques sur la vie de petites gens au grand coeur à la périphérie de Marseille, ancien militant communiste désenchanté, tourne toujours avec la même bande de comédiens, à commencer par sa femme, Ariane Ascaride. C’est un spécialiste du cinéma intimiste et des mélodrames avec en arrière-plan une thématique sociale.
Le résultat, contre toute attente, est pourtant des plus honorables. Le Mitterrand du milieu des années 1990 que nous montre Guédiguian, et ce n’est pas rien, « fait vrai ». Et la peinture de sa fin de règne et des mois qui ont précédé sa mort en janvier 1996 « passe » sans le moindre couac, ou presque. Aussi bien quand il adresse ses derniers voeux quasi mystiques à ses administrés (« Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas ») ou évoque orgueilleusement l’Élysée après lui (« Je n’aurai pas de successeur…, il n’y aura plus que des présidents comptables ») que lorsqu’il défend, malgré la déception du peuple de gauche, ses convictions socialistes. Ou encore quand il avoue son cynisme (« Il faut mépriser l’événement…, avoir la passion de l’indifférence ») et son culte du passé. Même les scènes rappelant une jeunesse sulfureuse (l’engagement à droite de la droite, le séjour à Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale) ou un abord très particulier de la mort qui rôde (une obsession de Mitterrand) ne viennent pas heurter exagérément le fil du récit.
Cette réussite tient d’abord à un parti-pris radical du réalisateur, décidé, malgré ce « grand » sujet, à proposer un film très minimaliste. Une oeuvre sans effets : une lumière perpétuellement grise, une majorité de plans fixes. Un portrait fondé presque uniquement sur des conversations de Mitterrand avec son jeune confident, donc sur ce verbe que maniait si bien l’ancien président. Une approche du « héros », enfin, essentiellement tournée vers le personnage privé, par là même peu susceptible de déclencher des polémiques de café du commerce. Mais c’est avant tout à l’interprétation remarquable de Michel Bouquet, qui arrive sans jamais tenter de l’imiter à incarner magistralement Mitterrand, que Le Promeneur du Champ-de-Mars doit sa séduction.
Les qualités du long-métrage, cependant, n’en font pas une oeuvre indiscutable, loin de là. Car les choix dont elles résultent marquent aussi les limites de l’entreprise. La principale tient à la faiblesse paradoxale de la dimension politique dans ce film avant tout psychologique. L’atmosphère de l’époque est bien rendue, les réflexions d’un président d’envergure sur l’histoire, le pouvoir ou la nation qui jalonnent le récit sont intéressantes. Mais l’occasion, avec un tel scénario, de parler de la vie politique dans la France contemporaine n’a pas été saisie. C’est pour le moins frustrant.

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