Mao accueille Nixon à Pékin

Publié le 20 février 2005 Lecture : 3 minutes.

Difficile d’imaginer aujourd’hui l’extraordinaire événement que constitua l’arrivée de Richard Nixon à Pékin, le 21 février 1972. Ce voyage marquait en effet le retour du pays le plus peuplé de la planète dans le concert des nations. Après un quart de siècle d’isolement total. À peine sortie d’une Révolution culturelle dont on avait eu le plus grand mal, à l’extérieur, à percevoir les enjeux, la Chine populaire restait un État très mystérieux, pas même représenté à l’ONU, où seule Taiwan avait droit de cité, et totalement fermé aux étrangers. À l’époque, Pékin ne reconnaissait que deux « pays frères » : l’Albanie et la Corée du Nord. Dans les discours officiels, les Soviétiques post-staliniens étaient quotidiennement dénoncés comme d’infâmes « révisionnistes », et les Américains comme des « tigres de papier » voire, tout bonnement, des « fascistes ». En dépit des efforts des sinologues et des savants exégètes du Petit Livre rouge, il était bien difficile de découvrir quelle était l’idéologie dominante. Et quels étaient, dans l’entourage du « Grand Timonier », surnom habituel de Mao Zedong, les favoris du moment et ceux qui avaient été écartés ou éliminés.

Au Vietnam, la guerre continuait de faire rage entre les troupes communistes soutenues par la Chine et le régime de Saigon tenu à bout de bras par les États-Unis. On mesure donc l’importance de la visite du président américain – et l’étonnement qu’elle suscita. Au terme de son séjour, le 28 février, Nixon déclarera d’ailleurs, non sans grandiloquence : « Nous avons passé une semaine ici. C’est une semaine qui a changé la face du monde. »
La préparation de ce voyage avait commencé, dans le plus grand secret, deux ans auparavant. D’abord à Varsovie, où, depuis la fin de la guerre de Corée, l’ambassadeur des États-Unis rencontrait régulièrement le chargé d’affaires de la RPC pour dresser une liste quasi immuable de griefs réciproques. Le 20 janvier 1970, en effet, lors de la 135e édition de ce face-à-face, les deux parties avaient fait une timide ouverture. Comme en passant, les Américains avaient inclus dans leur déclaration rituelle une phrase indiquant qu’ils seraient « disposés à envisager l’envoi d’un représentant à Pékin pour des discussions directes ». Les Chinois, de leur côté, se déclaraient « disposés à considérer favorablement toute idée contribuant à l’amélioration des relations entre nos deux pays ».
De part et d’autre, on considéra que la perche ainsi tendue méritait d’être saisie. Ce qui allait entraîner toute une série d’initiatives. Parfois publiques, comme l’interview accordée, fin 1970, par Mao au journaliste américain Edgar Snow ou la venue en Chine, en avril 1971, de l’équipe américaine de ping-pong. Le plus souvent discrètes, comme les réunions de travail entre le secrétaire d’État Henry Kissinger et des responsables chinois, à l’ambassade de la RPC à Paris, entre juillet 1970 et juillet 1971. À partir de cette date, des négociations directes vont même s’engager entre ce même Kissinger et Chou Enlai, le Premier ministre chinois. Lors de chacune de leurs rencontres, les commentateurs étaient intrigués par les soudaines disparitions de « Dear Henry », que l’éventualité de quelque rendez-vous galant, en dépit de sa réputation de séducteur, ne suffisait pas à expliquer.

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Tout cela aboutit donc à l’arrivée de Nixon à Pékin, le 21 février 1972. Et, quelques heures plus tard, à sa première rencontre avec Mao. Les deux hommes ne se dirent d’ailleurs pas grand-chose de décisif, puisqu’ils étaient déjà d’accord sur l’essentiel. Et l’essentiel – qui ne pouvait pas être ouvertement dit bien qu’étant à l’origine du dégel de leurs relations -, était que Washington et Pékin, où Deng Xiaoping préparait déjà son retour, étaient en train de se réconcilier sur le dos de leur ennemi commun : l’Union soviétique. Les nouveaux rapports de force géopolitiques qui allaient dominer la fin du XXe siècle et le début du XXIe commençaient à se mettre place.

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