Tchad : la longue marche vers la transparence

Depuis le début de l’exploitation en 2003, le pays se disait prêt à en publier tous les comptes. Des intentions qui se concrétisent enfin.

Les populations attendent les retombées du pétrole. DR

Les populations attendent les retombées du pétrole. DR

Madjiasra Nako

Publié le 12 mars 2013 Lecture : 3 minutes.

Mgr Michele Russo, l’évêque de Doba expulsé en octobre 2012 par le gouvernement tchadien pour avoir critiqué la gestion des revenus pétroliers a, depuis, fait son retour dans son diocèse, et l’incident diplomatique est clos. Mais les critiques sur la gestion des revenus pétroliers ne se sont pas pour autant éteintes. Pas une semaine ne passe sans que la presse se fasse l’écho de la mauvaise gestion de cette manne. Des critiques qui feraient presque oublier les importants investissements qui ont transformé – du moins en apparence – le pays.

En août 2007, le Tchad, qui disposait déjà d’un Collège de contrôle et de surveillance des ressources pétrolières (CCSRP), a annoncé son intention d’adhérer à l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE). Un processus dans lequel l’État, la société civile et les entreprises s’engagent à publier toutes les sommes gagnées ou déboursées dans le cadre des activités extractives, la diffusion de ces données devant permettre d’assurer un contrôle citoyen de la gestion des revenus. Mais la procédure a connu tant de retard à l’allumage que le pays, officiellement candidat depuis avril 2010, a même frôlé la radiation en octobre dernier, faute d’avoir bouclé le processus de validation dans le délai imparti. Il a fallu l’intervention pressante de pays amis pour que N’Djamena obtienne un report de l’échéance au 23 mai 2013.

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Une alerte qui a au moins servi à éveiller les consciences, selon Nabia Kana, coordonnateur de l’ITIE au Tchad : « Depuis, tous les acteurs travaillent dur pour atteindre cet objectif. Nous avons réussi à impliquer tous les groupes pétroliers, même les chinois, qui étaient réticents au début. » Signe de bonne volonté : dans son rapport d’octobre 2012 (sur les années 2007 à 2009), le pays a intégré les revenus générés par le transit du pétrole dans l’oléoduc Tchad-Cameroun, devenant le premier à révéler ce type d’informations.

L’idée d’un contrôle incite les gens à faire attention. Mais ce n’est peut-être pas encore assez.
Nabia Kana, coordonnateur de l’Itie au Tchad

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Mais les ressources sont-elles pour autant mieux gérées ? « C’est trop tôt pour le dire. Nous menons un travail de longue haleine. Il est clair que les populations ont toujours le sentiment que l’argent du pétrole ne leur arrive pas. Notre travail consiste à les pousser à le revendiquer », explique Nassingar Rimtebaye, coordonnateur de la Commission permanente pétrole de N’Djamena, membre de la coalition Publiez ce que vous payez. « L’idée d’un contrôle incite les gens à faire attention. Il y a un impact psychologique, mais il n’est peut-être pas encore assez fort », ajoute Nabia Kana.

Réparation

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La mobilisation populaire est, en tout cas, une réalité. Fin 2011, les habitants de la région pétrolière de Doba, jugeant qu’ils subissaient les effets néfastes de l’exploitation sans percevoir de compensations suffisantes, ont porté plainte auprès du Compliance Advisor-Ombudsman (médiateur) du groupe de la Banque mondiale pour obtenir réparation. Cette possibilité de recours est offerte par l’institution aux populations des régions où elle finance des projets. Pour l’heure, la procédure suit son cours. Du côté de Massenya, est pompé le brut qui alimente la raffinerie de N’Djamena, la population ne laisse passer aucune occasion de rappeler l’absence criante d’infrastructures, qui contraste avec la quantité de pétrole extraite de ses terres. Sans résultats concrets pour le moment.

Mais des pas en avant sont faits. Fin 2012, l’ex-ministre de l’Énergie et du Pétrole Brahim Alkhalil Hileou a décidé, en sa qualité de président du Haut comité national de l’ITIE, de publier tous les contrats pétroliers en les rendant accessibles sur le site internet de la présidence de la République. Si elle est mise en oeuvre, cette résolution devrait empêcher des scandales comme celui ayant frappé la société canadienne Griffiths Energy International, condamnée en janvier pour avoir corrompu un diplomate et son épouse dans le cadre de négociations pétrolières. 

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