Les États-Unis pratiquent la stratégie du sécateur

Faute d’un accord entre démocrates et républicains, un programme drastique de coupes budgétaires est entré en vigueur le 1er mars. Les dépenses militaires et sociales sont les premières visées.

Les dépenses publiques vont donc être amputées de 85 milliards de dollars pour l’année fiscale 2013. © AFP

Les dépenses publiques vont donc être amputées de 85 milliards de dollars pour l’année fiscale 2013. © AFP

Publié le 20 mars 2013 Lecture : 3 minutes.

À force de jouer avec le feu… Après avoir évité de justesse la falaise budgétaire (fiscal cliff), au début de l’année, les États-Unis sont frappés de plein fouet par le sequester (gel des dépenses), entré en vigueur le 1er mars. Les dépenses publiques vont donc être amputées de 85 milliards de dollars pour l’année fiscale 2013. Et peut-être, si aucun accord n’est trouvé, de 1 000 milliards de dollars au cours des dix prochaines années.

La menace de ce mécanisme d’une extrême brutalité avait, en 2011, incité démocrates et républicains à s’entendre in extremis à l’issue de dures négociations sur le relèvement du plafond de la dette. À l’époque, personne n’avait imaginé que ces coupes, dont près de la moitié concernent le budget de la défense, entreraient en vigueur… Las, l’incroyable partie de poker menteur s’est poursuivie. Et le pire est devenu possible. Avant ce 1er mars fatidique, le président Obama avait fait une description apocalyptique des conséquences de l’entrée en vigueur du sequester : chômage partiel des 800 000 employés civils du Pentagone, remise en liberté de malades mentaux, licenciement de professeurs, allongement des files d’attente aux aéroports faute de douaniers…

la suite après cette publicité

Cliquez sur l'image.margin: 3px; float: right;" />Préavis

En fait, rien de tout cela n’a eu lieu. Ni ne devrait avoir lieu au cours des prochains mois. Un préavis de trente jours est par exemple nécessaire pour toute mise au chômage partiel, sachant que les agences publiques concernées ont la possibilité de transférer les coupes sur d’autres postes de dépenses. Les réductions toucheront certes de plein fouet les États qui, comme la Virginie, comptent un grand nombre de fonctionnaires, mais elles ne sont qu’une goutte d’eau (2,4 %) dans la mer du budget fédéral (3 550 milliards de dollars).

Bref, les conséquences du sequester seront progressives. Mais elles n’en sont pas moins réelles. À moins d’un improbable accord entre les républicains et les démocrates, 750 000 emplois devraient être perdus en 2013, selon le Congressional Budget Office. Et si les coupes ne concernent pas les grands programmes sociaux comme Medicaid ou les Food Stamps (l’assistance alimentaire), ce sont néanmoins les Américains les plus vulnérables qui en feront les frais. Les chômeurs, par exemple, pourraient ainsi voir leurs allocations diminuer de 11 % au bout de six mois. Les politiques en faveur des enfants handicapés et des vétérans, certaines aides au logement et la formation professionnelle – entre autres – pourraient également être touchées.

Embarrassant

la suite après cette publicité

Obama avait cru que les républicains finiraient par accepter un compromis afin notamment de préserver le sacro-saint budget du Pentagone. Il s’est trompé et se retrouve dans une position bien embarrassante : après avoir crié « au feu ! », il doit à présent s’efforcer de rassurer les Américains et de minimiser les dommages provoqués par l’incendie. Tout en accentuant la pression sur les républicains pour qu’ils regagnent la table des négociations. Car c’est tout le début de son second mandat qui risque d’être plombé. Et notamment son ambitieux programme de réformes : contrôle des armes, immigration, protection de l’environnement, etc.

En pleine crise existentielle, le GOP joue sa dernière carte : la lutte contre le big government

la suite après cette publicité

À l’inverse, ces péripéties budgétaires ont permis aux républicains de resserrer leurs rangs. En refusant la nouvelle hausse d’impôts de 600 millions de dollars demandée par Obama pour éviter le sequester, John Boehner, le speaker de la Chambre des représentants, a galvanisé la base du parti, traumatisée par l’épisode du fiscal cliff. On se rappelle que les républicains avaient dû consentir à une hausse de 650 milliards des impôts sur les plus hauts revenus… En pleine crise existentielle depuis la défaite de Mitt Romney à la présidentielle, le Grand Old Party n’a plus guère que la lutte contre le big government et le refus d’augmenter les impôts pour ne pas perdre le contact avec une population qui penche désormais à gauche sur nombre de questions comme le mariage homosexuel ou l’immigration.

D’autant que les questions budgétaires vont dominer l’année. Fin mars, la menace d’une « fermeture » du gouvernement agitera le Congrès. Viendront ensuite de nouvelles négociations sur le plafond de la dette. Le sequester n’aura donc été qu’une mise en bouche. Pas sûr que les Américains en redemandent.

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image

Contenus partenaires