La réforme économique passe par le dialogue

Publié le 20 janvier 2008 Lecture : 3 minutes.

De la septième réunion du Conseil présidentiel de l’investissement (CPI), en novembre dernier à Dakar, de nombreux Sénégalais ne retiendront sans doute que la recommandation visant à désencombrer le centre-ville de la capitale des marchands ambulants et les émeutes qu’elle a déclenchées. Mais il ne faut pas « jeter le bébé avec l’eau du bain ». Créé sous les auspices de la Banque mondiale et du Fonds monétaire mondial (FMI) en novembre 2002, le CPI est un organe de réflexion et de propositions, présidé par le chef de l’État, qui vise à améliorer le climat des affaires pour le rapprocher des meilleurs standards internationaux. En moins de cinq ans, plusieurs réformes ont vu le jour.
Une importante réforme fiscale a été menée en 2004, qui a conduit à une refonte complète du code général des impôts. La mesure phare a été la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés de 35 % à 25 %, tandis que le délai de création d’une société a été réduit de 58 jours à 2 jours. On relèvera également la simplification et le raccourcissement des procédures d’obtention des autorisations administratives, qui n’excèdent plus 45 jours. Par ailleurs, le nouveau code des marchés publics, qui introduit une plus grande transparence, est entré en vigueur le 1er janvier 2008, et un cadre réglementaire a été mis en place pour favoriser le développement des technologies de l’information et de la communication.
Plusieurs pays africains ont créé, au cours des dernières années, des structures analogues. Si le premier d’entre eux est l’île Maurice avec son Joint Economic Council, une dizaine de Conseils présidentiels fonctionnent à présent, notamment au Kenya, au Botswana, en Ouganda et en Tanzanie, l’Américain Bill Gates faisant partie du Conseil de ce dernier pays. Plus récemment, le Ghana, le Mali, le Bénin et la Mauritanie se sont ajoutés à la liste. L’extension devrait se poursuivre car l’expérience a prouvé l’efficacité du partenariat public-privé dans l’élaboration et la conduite des réformes économiques.

Cette efficacité se mesure d’abord par les performances de ces pays : 5 % à 6 % en moyenne de taux de croissance annuelle, exportations en hausse constante et part des investissements directs étrangers (IDE) dans les investissements privés au-dessus de la moyenne africaine. Il n’est donc pas surprenant de constater que la plupart de ces pays sont aux meilleures places dans les classements « Doing Business » publiés chaque année par la Banque mondiale. Les autres pays du continent devraient donc s’inspirer de ces expériences réussies.
Mais il ne faut pas occulter les conditions qui ont rendu possible le succès de ces organes. La première d’entre elles porte sur la stabilité politique et la bonne gouvernance. En second lieu, il importe de constituer un fort consensus de tous les acteurs – gouvernement, secteur privé, société civile – autour d’une politique économique faisant du secteur privé le moteur de la croissance. À ce sujet, l’engagement des plus hautes autorités de l’État, destinataires des recommandations des Conseils présidentiels de l’investissement, reste déterminant. C’est seulement ainsi que les administrations centrales, en général très lentes à changer d’état d’esprit et trop souvent sources de blocage, pourront passer de leurs fonctions de contrôle et de répression à celle de facilitation.
Le secteur privé ne doit cependant pas être en reste car il doit disposer des ressources intellectuelles et de la capacité d’analyse lui permettant de comprendre l’environnement dans lequel il évolue. Pour revenir aux événements de novembre à Dakar, à l’origine du phénomène des marchands ambulants se trouvent le fort taux de chômage qui frappe les jeunes et l’exode rural qui jette chaque année vers Dakar des milliers d’agriculteurs sans grande qualification. S’y ajoutent le laxisme des autorités, qui ont longtemps laissé faire, et la boulimie des mairies de quartiers, très intéressées par les taxes tirées de l’activité de ces occupants irréguliers de la voie publique. En cherchant à résoudre un problème économique et environnemental, l’exécutif a donc rencontré un obstacle social très sensible. Et dans sa quête pour un meilleur climat des affaires, la question qui se pose à présent au CPI et à d’autres est de savoir si l’investissement dans le social ne doit pas précéder – ou au moins accompagner – les réformes économiques.

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