Pas d’Etat abolitionniste au Maghreb

Publié le 19 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Selon les époques et les pays, la peine de mort peut revêtir diverses formes – pendaison, guillotine, peloton d’exécution, chaise électrique, injection létale… -, mais elle vise toujours à sanctionner des crimes particulièrement graves. Elle demeure une réalité dans les États d’Afrique du Nord : Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte. Méthode généralement utilisée : la pendaison. Mais cet usage tend à disparaître : dans ces pays, la sentence capitale est de plus en plus rarement prononcée et, lorsque c’est le cas, elle est tout aussi rarement appliquée.
En Algérie, les dernières exécutions datent de 1993 : sept islamistes sont fusillés pour implication dans un attentat terroriste. Le 1er août 2004, la même condamnation vise un membre du Groupe islamique armé (GIA) accusé d’avoir participé au massacre de Bentalha, qui, en 1997, s’est soldé par plus de 500 victimes.
L’ultime mise en uvre de la sentence dans le royaume chérifien remonte également à 1993 : un commissaire de police passe devant le peloton d’exécution pour proxénétisme aggravé. Depuis, la chambre criminelle ne requiert aucune peine capitale, mais les graves attentats qui, le 16 mai 2003, font quarante-cinq morts à Casablanca remettent la sentence à l’ordre du jour : le 18 août 2003, elle sera réclamée contre les quatre inculpés, tous rattachés à l’organisation islamiste Salafiya Jihadia.
Dans le même temps, le débat autour de l’abolition lui aussi ressurgit : dans une lettre adressée en août 2003 au ministre de la Justice Mohamed Bouzoubâa, l’Association marocaine des droits de l’homme réclame « la promulgation d’une loi qui abroge la peine de mort ». Bouzoubâa déclare y être favorable. Même chose en juin dernier du côté algérien, puisque le ministre de la Justice, Tayeb Belaiz, se prononce lui aussi en faveur d’une abolition partielle. Seuls les auteurs de crimes terroristes, d’atteinte à la sécurité de l’État, de parricide ou d’infanticide restent passibles de la sentence suprême. Et c’est précisément pour infanticide que celle-ci a, très récemment, été prononcée au Maroc : le 2 décembre 2004, la chambre criminelle près la cour d’appel d’Agadir condamne à mort un tueur en série pédophile, après l’avoir reconnu coupable de viol, torture et meurtre sur neuf jeunes enfants.
Selon un politologue marocain, « les condamnations à la peine capitale dépendent étroitement de l’évolution de la conjoncture politique, de la sensibilité des médias et de l’opinion publique. En période troublée, la sentence a une portée symbolique dissuasive ; en des temps moins agités, gracier les condamnés sert à conforter le pouvoir des autorités. Amnistie partielle ou totale, générale ou non, le pouvoir affiche clémence ou fermeté selon les cas. »
En Libye, deux universitaires sont condamnés à mort en 2002, pour appartenance à une organisation politique non reconnue. Les dernières sentences capitales datent de 2003 : à l’hôpital de Benghazi, cinq infirmières bulgares et un médecin palestinien sont accusés d’avoir délibérément contaminé 426 enfants avec le virus du sida, et d’avoir ainsi provoqué le décès d’une quarantaine d’entre eux. Mais, au mois d’octobre, le colonel Mouammar Kadhafi réitère son opposition à la peine de mort, déjà exprimée en 1988 – donnant ainsi, du moins peut-on le supposer, le feu vert aux magistrats pour que la condamnation de l’équipe médicale ne soit pas exécutée.
En Egypte, le nombre des sentences capitales comme celui des condamnés exécutés va crescendo ; Amnesty International fait état de plus de cinq cents condamnations à mort et de plus de deux cents exécutions entre 1991 et 2000.
En Tunisie, peu de condamnations à mort ont défrayé la chronique ces dix dernières années. Les deux plus connues concernent, la première, un crime lié à des activités politiques ; la seconde, des actes odieux (viol et meurtre d’enfants). En 1991, des activistes islamiques perpètrent un attentat contre un local du Rassemblement constitutionnel démocratique, parti au pouvoir, à Bab Souika, dans la Médina de Tunis : ils sont exécutés. Au lendemain de l’accession du président Zine el-Abidine Ben Ali à la magistrature suprême, le 7 novembre 1987, des voix s’élèvent pour appeler à l’abolition de la peine capitale. Des juristes et des intellectuels tentent, en vain, de créer une association pour mener ce combat.
La résistance à laquelle ils se sont heurtés n’est pas d’ordre religieux et politique, mais sociologique et culturel. Car l’opinion publique n’est pas prête à accepter la non-application de la peine de mort pour les auteurs de crimes odieux. Les pouvoirs, qui ne brillent pas par leur libéralisme, ne font que suivre le mouvement.
Et maintiennent tous la peine capitale dans les textes.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires