Ousmane Tanor Dieng

Premier secrétaire du Parti socialiste sénégalais

Publié le 19 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Au lendemain de la défaite d’Abdou Diouf en 2000, tout le monde ou presque le croyait fini. Et pourtant, Ousmane Tanor Dieng tient toujours les rênes du Parti socialiste sénégalais. Son secret ? Une hygiène de vie (yoga, jogging), une grosse capacité de travail, et un vrai talent pour cacher ce qu’il pense derrière un visage lisse. Aujourd’hui, Diouf, son mentor, jure ses grands dieux que jamais il ne se représentera. La voie est donc libre pour son ancien directeur de cabinet qui a le même âge que son parti, 56 ans. Tanor ne le dit pas, bien sûr, mais nul doute qu’il y voit un signe du destin…

Jeune Afrique/l’intelligent : Ne craignez-vous pas d’être dans l’opposition pour cinquante ans, comme annoncé par le président Wade, début décembre ?
Ousmane Tanor Dieng : Oh non ! Abdoulaye Wade aime bien lancer ce genre de slogan pour se rassurer. Mais il éprouve à l’égard du Parti socialiste un double sentiment de fascination et de crainte, car cinquante ans, c’est justement la période où le PS a été aux affaires, de sa création en 1948 jusqu’à l’an 2000. En fait, Wade veut toujours ressembler à Senghor. Mais la grande différence, c’est que le PS est un parti démocratique conduit par plusieurs personnalités fortes, alors que sa formation, le Parti démocratique sénégalais (PDS), est un parti patrimonial où tout appartient à un seul homme. Il n’y a ni congrès ni instance. Le drame de Wade, c’est qu’il est le seul élément fédérateur d’un parti éclaté en mille morceaux. En dehors de lui, c’est le désert.

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J.A.I. : Êtes-vous certain qu’il perdra en 2007 ?
O.T.D. : Il faut reconnaître que Wade est une bête politique. Il aime faire du bluff pour essayer de déstabiliser l’opposition. Mais son régime est essoufflé. Il sera placé en cohabitation par l’opposition aux législatives de 2006, et il sera battu à la présidentielle de 2007 si le scrutin est transparent. Nous allons nous battre contre toutes les tentatives de fraude et d’achat des consciences par le PDS. De toute façon, Wade sera jugé sur son bilan. Or son problème ce sont les promesses non tenues. Dans ses meetings de campagne en 2000, il disait : « Que tous ceux qui n’ont pas d’emploi lèvent la main », et il s’engageait à leur donner du travail. Mais, aujourd’hui, 100 000 jeunes sortent tous les ans des universités et des écoles professionnelles, et seulement 30 000 d’entre eux trouvent un emploi. Il a promis de grands chantiers, un super-aéroport, une nouvelle capitale, mais maintenant tout le monde sait que ce sont des éléphants bleus [la couleur du PDS, NDLR].

J.A.I. : Réclamez-vous la démission du président Wade comme le mouvement Initiative pour le départ d’Abdoulaye Wade (Idewa) d’Amath Dansoko et de Talla Sylla ?
O.T.D. : Bien sûr. Il a échoué sur le plan économique, et il a foulé aux pieds les libertés. Donc, nous sommes tout à fait en droit de demander son départ. Certains opposants réclament sa destitution. Pour ma part, j’observe qu’il a été élu pour un mandat de sept ans et qu’il n’y a pas de procédure d’empêchement dans la Constitution. Donc, j’estime que ce départ doit être un acte personnel et volontaire dans le cadre de la loi. Nous ne sommes pas des putschistes !

J.A.I. : Après le départ à la retraite de Wade, il ne restera que deux poids lourds, Moustapha Niasse et vous. Un duel entre vous n’est-il pas inévitable ?
O.T.D. : Pourquoi pas ? C’est cela la démocratie ! Mais j’ai des relations tout à fait cordiales avec Moustapha Niasse, et, aujourd’hui, nos deux partis, le PS et l’Alliance des forces de progrès (AFP), ont décidé d’aller ensemble aux législatives de 2006. Tous les partis du Cadre permanent de concertation (CPC) feront une liste commune.

J.A.I. : N’êtes-vous pas quelquefois trop autoritaire, voire cassant, et n’avez-vous pas provoqué ainsi une hémorragie au PS ?
O.T.D. : Peut-être ai-je été ce que vous dites, mais c’est du passé. J’ai pu faire des erreurs dans mon comportement et dans la gestion du parti, mais j’en ai tiré des enseignements pour essayer de me bonifier. Aujourd’hui, je remarque que le PS est devenu très attractif et que plusieurs cadres reviennent. Depuis 2000, le PS a montré qu’il restait incontournable et inoxydable.

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J.A.I. : Vous présidez le Comité Afrique de l’Internationale socialiste. Laurent Gbagbo est-il encore socialiste ?
O.T.S. : Absolument, il est des nôtres. Quand un ami est en difficulté, il faut le soutenir et lui tenir un langage de vérité. Donc, nous lui apportons un soutien critique.

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