Sarkozy prêche l’apaisement

Lors de sa visite des 13 et 14 novembre, le ministre français a évité les sujets qui fâchent.

Publié le 19 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Décidée en accord avec l’Élysée, la visite de Nicolas Sarkozy en Algérie, les 13 et 14 novembre, ne s’annonçait pas sous les meilleurs auspices. La veille de l’arrivée du ministre français de l’Intérieur, le gouvernement algérien avait une nouvelle fois exigé de Paris des excuses officielles pour les crimes commis pendant la période coloniale. Et la presse privée s’en était donné à cur joie avec l’illustre visiteur, qualifié, au choix, de « manipulateur » ou de « démago ». Pourtant, dans l’avion qui le ramenait à Paris, Sarkozy ne cachait pas sa satisfaction. C’est que, deux semaines après avoir été reçu par Mohammed VI à Casablanca, il a été accueilli à Alger comme un chef d’État : dépôt d’une gerbe au monument des Martyrs de la Révolution, rencontre avec le ministre de l’Intérieur, entretien avec le Premier ministre et, surtout, longue audience (4 h 30) avec le chef de l’État.
Sarkozy, qui avait tenu à se faire accompagner par le journaliste Jean-Pierre Elkabbach, natif d’Oran et intervieweur attitré de Bouteflika, n’était pas, de son côté, venu les mains vides : il a rendu publiques plusieurs mesures destinées à faciliter la libre circulation des personnes entre les deux pays. D’abord, comme annoncé dans sa récente interview à Jeune Afrique (n° 2391, 5-11 novembre 2006), la suppression de la consultation européenne préalable à la délivrance d’un visa Schengen. Les Algériens, qui jugeaient cette disposition « vexatoire », ont apprécié. Ensuite, la réinstallation progressive à Alger, à partir de l’an prochain, du bureau des visas pour les Algériens, actuellement installé à Nantes. Enfin, l’ouverture prochaine d’un nouveau consulat général de France à Oran.
Deux jours durant, le ministre français a multiplié les gestes d’apaisement et évité les sujets qui fâchent. Entre une visite au cimetière juif et chrétien de Bologhine, un détour par la basilique Notre-Dame-d’Afrique et un pèlerinage au monastère de Tibhérine pour honorer la mémoire des sept moines assassinés par les GIA en 1996 (ce qu’aucun de ses collègues français depuis Hervé de Charette, aussitôt après le drame, n’avait jugé bon de faire), il a joué la carte de la réconciliation. Le dossier du Sahara, par exemple, cette traditionnelle pomme de discorde, n’a même pas été évoqué. Quant aux crimes de la période coloniale, il s’en est tiré en renvoyant dos à dos Algériens et Français. : « Ce n’est pas faire injure au souvenir des morts que de dire que le système colonial est injuste et a provoqué beaucoup de souffrances, et qu’à côté, il y a des hommes et des femmes, quelles que soient leurs origines, qui ont également été victimes de cette injustice. La douleur n’est pas d’un seul côté, mais des deux. » Même Bouteflika, d’ordinaire très sourcilleux sur la question, n’a pas jugé utile d’en rajouter. « J’ai une opinion et je ne voudrais pas qu’elle puisse engager mon ami Nicolas Sarkozy », s’est-il borné à commenter.
Au passage, ce dernier a tenu à démentir les rumeurs sur son mauvais état de santé : « J’ai été malade, très malade [il a été opéré, il y a un an, d’un ulcère hémorragique]. Je m’en suis sorti de manière absolument fabuleuse. Il faut maintenant cesser d’en parler. Il est tout à fait clair que, lorsque j’aurai des problèmes de santé, il faudra que je rentre chez moi définitivement. »
Reste le fameux traité d’amitié entre les deux pays. Pour les Algériens, il est mort et enterré. Pour Sarkozy, c’est une chimère. Une semaine avant sa visite à Alger, il avait déjà estimé, dans nos colonnes, que « l’amitié n’a pas besoin d’être gravée dans le marbre ». Cela ne signifie évidemment pas que les pays sont condamnés à se tourner le dos. Sur le perron du palais d’El-Mouradia, Bouteflika s’est même permis d’ironiser : « Je me suis laissé dire par les services algériens que la France n’avait pas l’intention de déménager et l’Algérie non plus. Il y a quelque part une fatalité qu’il faut assumer. »
Les Algériens ne pouvant se montrer ingrats, Sarko est lui aussi reparti avec un cadeau : la liste nominative des 2 629 islamistes élargis dans le cadre de la réconciliation nationale. Les services français redoutent en effet que ces activistes ne s’en prennent à présent à leur pays.

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