Et maintenant, à Kinshasa ?

Publié le 19 novembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba ont deux caractères bien différents. Mais chacun, à sa manière, porte en lui le passé sombre du Congo. Bemba, 44 ans, un ancien chef rebelle soutenu par l’Ouganda, est le fils bien instruit d’un homme d’affaires très proche de Mobutu Sese Seko, le dictateur qui, en trente-deux ans de pouvoir, a conduit le Zaïre – ainsi qu’il avait rebaptisé le pays – à la ruine.
L’homme Kabila, 35 ans, un temps général rebelle, a été installé à la tête de l’État en 2001 par l’entourage de son président de père, Laurent-Désiré, le tombeur de Mobutu assassiné dans son bureau le 16 janvier 2001. La coterie Kabila a bénéficié de prébendes, sous forme notamment de contrats miniers lucratifs dans le Katanga, province natale du chef de l’État, riche en cuivre. De son côté, Bemba a joui de son poste de vice-président chargé des finances dans le gouvernement de transition.

Certains diplomates occidentaux ont caressé l’espoir que les urnes départagent clairement les deux hommes. Mais à les voir se cramponner à leur milice ou garde rapprochée et recompter leurs voix jusqu’à l’obsession, il se trouve des observateurs qui prévoient que chacun entend continuer de jouer un rôle dans la vie publique.
Le 13 novembre, les partisans de Bemba ont renouvelé leurs accusations de trucage des urnes à l’issue du second tour et fait craindre le durcissement des pro-Kabila, au cas où ils auraient le sentiment que la situation leur échappe.
« Ne pas admettre que le perdant est une force avec laquelle il faut collaborer, c’est ouvrir la porte à l’anarchie et refuser une opportunité de réunifier le pays », estime Jerry Rawlings. À la veille de l’annonce des résultats, l’ex-président du Ghana s’est joint à d’anciens dirigeants africains pour une mission de bons offices à Kinshasa.

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Vu la piètre teneur de la campagne médiatique, ponctuée d’attaques en règle contre l’adversaire, la solution d’un gouvernement d’union nationale ne semble pas retenir l’attention. Mais Bemba pourrait présenter une formidable force d’opposition et avoir une grande influence sur le Sénat et auprès des gouverneurs des riches provinces de l’Ouest, où la majorité de la population parle le lingala et honnit Kabila, lequel reste incroyablement populaire dans l’Est, où le swahili règne en maître.
L’image d’un Kabila aux origines étrangères, installé au palais par l’Occident – comme le portraiture le clan Bemba -, a eu de l’écho dans l’Ouest et à Kinshasa, où des manifestations anti-Kabila ont eu lieu au lendemain du scrutin.

Pour Bob Kabamba, professeur à l’Université de Liège en Belgique, l’ancienne puissance coloniale, la question clé est de savoir s’il « faut consacrer plus de temps à la reconstruction ou à la réconciliation ». Avec « le risque que des personnalités, et non les vraies questions, dominent la vie politique », estime Kabamba, qui ajoute : « C’est ce qui s’est clairement passé au cours de la campagne. » À l’en croire, il est fort possible que les deux candidats s’enlisent dans des manuvres pour se neutraliser, limitant la capacité de tout nouveau gouvernement à servir le peuple congolais, réduisant les chances d’assainissement du secteur minier et exacerbant les tensions aux frontières, souvent polluées de soldats affamés.

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