Bianco : de tonton à ségo

Publié le 19 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Il n’est officiellement qu’un des trois porte-parole (avec Arnaud Montebourg et le député européen Gilles Savary) de Ségolène Royal. Mais beaucoup imaginent déjà Jean-Louis Bianco, 63 ans, mais qui en paraît dix de moins, à la tête d’un grand ministère, voire à Matignon. Le député-maire de Digne-les-Bains, dans les Alpes-de-Haute-Provence, connaît intimement les rouages de l’État. Parlant couramment anglais, italien, allemand, et possédant des notions d’espagnol, ce fort en thème, diplômé des Mines de Paris, de Sciences-Po et de l’ENA a occupé, pendant neuf ans – record à battre ! – le poste de secrétaire général de l’Élysée.
Trop attaché à son indépendance d’esprit pour prendre sa carte au PS – il n’adhérera que tardivement, en 1993, pour obtenir l’investiture du parti aux législatives de la même année -, ce maître des requêtes au Conseil d’État se fait néanmoins remarquer dans le cénacle en participant, dans les années 1970, aux travaux de la commission des experts économiques du PS, animée par son ami Jacques Attali, qu’il avait connu sur les bancs du lycée Janson-de-Sailly, à Paris. Attali, devenu, après le 10 mai 1981, « sherpa » de François Mitterrand, lui propose de le rejoindre à la présidence de la République comme chargé de mission.
En juin 1982, Mitterrand, qui ne le connaissait pas un an auparavant, l’appelle en remplacement de Pierre Bérégovoy au secrétariat général de l’Élysée. Un rôle taillé sur mesure. Jusqu’en 1991, Bianco est le collaborateur le plus présent auprès du chef de l’État. Son interface avec le monde extérieur. Grand (1,89 m), sobrement élégant, toujours d’une extrême courtoisie et d’un calme olympien – qualités de caractère qui lui vaudront de négocier sans encombre le cap de l’orageuse première cohabitation avec Jacques Chirac, entre 1986 et 1988 -, il est aussi à l’aise en politique intérieure qu’en politique étrangère. Il vit la crise, puis la guerre du Golfe (août 1990-février 1991) aux premières loges. C’est avec lui que, tous les matins, ministres, militaires et diplomates passent en revue problèmes et solutions possibles, au cours de longues séances de brainstorming dont le président aimait à se faire dispenser.
Après avoir décliné, à deux reprises, un poste de ministre, une première fois en 1984, une seconde en 1988, il entre en 1991 au gouvernement d’Édith Cresson, qu’il n’apprécie guère, comme ministre des Affaires sociales et de l’Intégration. On lui prête alors l’intention de mettre en uvre la fameuse promesse mitterrandienne d’accorder aux étrangers le droit de vote aux élections locales. L’idée n’était pas pour déplaire à ce fils d’immigré italien, très attaché à ses racines, mais la conjoncture ne s’y prêtait pas En 1992, sous Bérégovoy, il hérite du portefeuille de l’Équipement et des Transports. Son ascension ministérielle est stoppée net par la déroute socialiste aux législatives de mars 1993. Entre-temps, il s’est trouvé un ancrage local, à Digne, dans la vallée de la Durance, sa patrie d’adoption. Membre de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, il continue à s’intéresser aux questions internationales. Sa passion sincère pour les problèmes du Tiers Monde remonte à un voyage en Inde, effectué dans sa jeunesse, et qui l’a marqué à vie.
Bianco, qui est moins un politicien qu’un serviteur de l’État, et tout sauf un carriériste, se satisfait de son mandat d’élu local. Il ne participe ni de près ni de loin à l’aventure des années Jospin, probablement desservi par son étiquette de « mitterrandien ». Sans être intime, il connaît bien Ségolène Royal, qu’il a côtoyée à l’Élysée et sur les bancs du gouvernement. Tous deux ont d’ailleurs plus d’un centre d’intérêt en commun : les questions liées à l’enfance (thème auquel il a consacré un rapport en 1974), à l’environnement et à la démocratie participative ! Cette « proximité » idéelle a sans doute favorisé leur rapprochement. Elle n’explique cependant pas tout. Ségolène Royal, qui ne veut pas s’entourer d’éléphants, qui lui sont d’ailleurs hostiles, a besoin de grands commis de sa trempe. Polyvalent et respecté bien au-delà de son propre camp, Bianco avait tout simplement le profil idéal. Et surtout, il était disponible

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