Washington maintient la pression

Condoleezza Rice devrait profiter de son prochain voyage au Caire pour réitérer les appels de la Maison Blanche en faveur des réformes démocratiques.

Publié le 19 juin 2005 Lecture : 4 minutes.

Condoleezza Rice, en tournée actuellement au Proche-Orient, est attendue le 20 juin en Égypte. Officiellement, la secrétaire d’État américaine devrait examiner avec les responsables égyptiens les moyens d’assurer le succès du retrait israélien de la bande de Gaza, prévu à partir du 17 août prochain. Mais elle profitera de l’occasion pour réitérer les appels de Washington en faveur des réformes démocratiques. Pour le principe…
Dans son discours sur l’état de l’Union, le 28 janvier dernier, George W. Bush, avait invité « la grande et fière nation d’Égypte, qui a montré la voie de la paix au Proche-Orient, à montrer la voie de la démocratie au Proche-Orient ». Le 15 février, à Washington, Rice a fait part, à son tour, à son homologue égyptien Ahmed Aboul Gheit des « vives inquiétudes » des dirigeants américains au sujet du chef du parti Al-Ghad (« Demain »), Aymen Nour, 40 ans, qui était alors en détention préventive depuis le 21 janvier, et « exprimé l’espoir très fort de voir une solution intervenir rapidement ». Comme pour mieux souligner sa mauvaise humeur, Rice a annulé une visite au Caire, qui était pourtant inscrite au programme de sa première tournée en Europe et au Proche-Orient, commencée quelques jours plus tard.
Cette « ingérence » américaine – le mot avait alors été employé par Aboul Gheit – dans les affaires intérieures égyptiennes n’a pas été appréciée, c’est un euphémisme, par le président Hosni Moubarak. Ce dernier en a pourtant tenu compte. Le 26 février, il a annoncé sa décision de réformer la Constitution en vue de permettre la pluralité des candidatures à l’élection présidentielle. Décision que le Majlis al-Chaab (le Parlement) n’a pas tardé à vider de toute sa portée en multipliant – dans le texte de la Constitution amendée par référendum le 25 mai – les obstacles pour empêcher d’hypothétiques candidatures issues de la société civile et du mouvement – toléré mais interdit – des Frères musulmans. Autre décision prise sous la pression de Washington : la libération – sous caution -, le 12 avril, du chef du parti Al-Ghad. Ce dernier, qui a été inculpé (tout de même !), dix jours plus tard, sera jugé le 28 juin.
Alors que se multiplient, au Caire et dans les autres villes du pays, les manifestations contre un cinquième mandat de Moubarak, l’Égypte veut éviter de mécontenter les États-Unis, dont l’aide annuelle s’élève à 2 milliards de dollars. Elle n’est plus en mesure de « marchander » – c’est le cas de le dire – son appui au processus de paix au Proche-Orient contre le maintien du statu quo politique à l’intérieur. Mais elle ne peut pas non plus mettre en route de véritables réformes démocratiques, qui risqueraient d’accélérer la chute du régime mi-civil mi-militaire issu de la « révolution des officiers libres », en 1952. D’où les atermoiements actuels de l’entourage de Moubarak, qui semble divisé sur la stratégie à suivre.
Dans une interview au Washington Post du 25 mars, Condoleezza Rice a estimé que la défense des régimes despotiques au nom de la stabilité a provoqué le ressentiment envers les États-Unis, qui a abouti au terrorisme. « Nous n’avons eu ni la démocratie ni la stabilité », a-t-elle indiqué. En se disant favorable aux changements politiques rapides sans tenir compte de la stabilité intérieure des pays concernés. C’est le fameux « désordre créateur », qui a fait grincer bien des dents dans le « Grand Moyen-Orient ».
Cependant, ce point de vue est loin de faire l’unanimité à Washington, où certains responsables pensent qu’il est tout à fait hasardeux de vouloir imposer la démocratie à une société qui n’est pas préparée à l’assumer. Dans le cas de l’Égypte, une démocratisation forcée pourrait aboutir à l’inverse du résultat escompté, à savoir la prise du pouvoir par les islamistes.
Les États-Unis, en attendant, maintiennent la pression sur le régime de Moubarak. Ainsi, en réaction aux agressions contre les opposants qui ont manifesté, le 25 mai, au Caire, contre le référendum sur l’amendement de la Constitution, le porte-parole de la Maison Blanche, Scott McClellan, a affirmé que « les attaques contre des manifestants défilant dans le calme sont inexcusables ». Le président Bush a renchéri : « Cela ne correspond pas, de notre point de vue, à la façon dont doit fonctionner une démocratie. » Avant d’appeler, le 1er juin, son homologue égyptien, dans un entretien téléphonique, à organiser des élections libres et démocratiques, à permettre à l’opposition de s’exprimer à travers les médias et aux observateurs internationaux de suivre le déroulement des scrutins présidentiel et législatif prévus en septembre et novembre prochains. « Il est temps de montrer au monde que [votre] pays peut être un exemple pour les autres [pays de la région] », a affirmé le président américain.
Condoleezza Rice ne dira pas autre chose, le 20 juin, à ses hôtes égyptiens. Ces derniers l’écouteront très poliment et feront de vagues gestes d’ouverture. Mais ils n’en feront finalement qu’à leur tête, cédant comme d’habitude à leurs penchants autoritaires, d’autant qu’ils savent que leurs compatriotes, y compris leurs plus farouches opposants, sont peu enclins à croire à la démocratie made in USA.

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