Bérenger-Jugnauth contre Ramgoolam : qui l’emportera ?
Chômage, difficultés des secteurs agricole et textile, solutions de sortie de crise… la situation économique du pays pèsera lourd dans le verdict du scrutin général du 3 juillet.
Rarement scrutin n’a semblé aussi serré à Maurice, île de l’océan Indien qui compte un peu plus de 1,2 million d’habitants. À la veille des élections générales du 3 juillet, qui détermineront l’équipe gouvernementale appelée à prendre en main les destinées du pays lors des cinq prochaines années, les jeux sont loin d’être faits. Alors que l’opposition apparaissait en tête dans les enquêtes d’opinion en début d’année, l’Alliance gouvernementale, composée du Mouvement militant mauricien (MMM) de Paul Bérenger et du Mouvement socialiste militant (MSM) de Pravind Jugnauth, semble avoir rattrapé son retard. Le dernier sondage disponible, réalisé à la mi-juin pour le quotidien local L’Express, lui donnerait même une très légère avance devant la coalition sociale, emmenée par le Parti travailliste de Navinchandra Ramgoolam. Toutefois, un tiers des électeurs n’auraient pas encore choisi leur camp.
Dans la dernière ligne droite, les états-majors de campagne multiplient les petites phrases, crient à la victoire, courtisent les femmes – très faiblement représentées en politique -, les personnes âgées, les artistes, les communautés… Maurice est, à l’instar de l’Afrique du Sud, une « nation arc-en-ciel ». Y cohabitent des Blancs, petits-fils des colons européens, des descendants de leurs esclaves africains, une large communauté indienne et une autre, plus réduite, de Chinois, ainsi que les successeurs des travailleurs des premières plantations de canne à sucre dans l’île.
Les leaders politiques courent de meetings en réunions aux quatre coins du pays afin de faire pencher les indécis. Paul Bérenger, le Premier ministre et chef du MMM, qui en est à sa huitième campagne électorale, défend son bilan et détaille son programme. Son allié, Pravind Jugnauth, vice-Premier ministre, ministre des Finances et patron du MSM, a présenté, en avril, un budget 2005-2006 prévoyant des réductions de taxes sur les produits de première nécessité qui vont aux plus défavorisés. Et affiché sa volonté de faire de Maurice un nouveau « Dubaï » ou « Singapour » en continuant à développer les secteurs du commerce, des services, des nouvelles technologies et du tourisme.
Navinchandra Ramgoolam dénonce, lui, un budget « électoraliste » en pointant les inégalités sociales et l’absence de lutte contre le chômage, qui touche 10 % de la population. Fort en verbe, il ne manque pas une occasion pour dénoncer le scandale financier à la Mauritius Commercial Bank (MCB) ainsi que l’attribution de terrains à des projets touristiques étrangers dans le sud du pays… Il prône également une réforme de l’éducation, de l’agriculture, un meilleur service de santé et un système de justice plus proche des citoyens. Sans vraiment expliquer comment il compte financer toutes ces mesures.Ni pourquoi il n’a pas appliqué ces mesures quand il était au pouvoir…
On n’en est pas encore là. Si les résultats du scrutin sont extrêmement serrés, certains appellent à l’émergence d’une alliance gouvernementale de l’opposition et du MMM. Ramgoolam et Bérenger éludent la question… Les deux leaders ont déjà collaboré au sein d’un même gouvernement, en 1995, avant que le premier n’en sorte deux ans plus tard pour divergences politiques.
Si la victoire est plus large (environ 40 sièges sur les 70 que compte l’Assemblée nationale) pour l’un ou l’autre camp, chaque coalition aura tout le loisir de partager entre ses membres les portefeuilles ministériels. Bérenger a d’ores et déjà indiqué qu’il conserverait son poste pendant deux ans et demi, avant de le céder au vice-Premier ministre actuel, Pravind Jugnauth. Les deux formations au pouvoir reconduisent l’accord d’alternance passé en 2000, aux termes duquel Bérenger a succédé, en 2003, à sir Anerood Jugnauth, devenu président.
Quel que soit le verdict des urnes, le 3 juillet, la marge de manoeuvre du prochain gouvernement sera restreinte. Après trente ans de développement, l’économie mauricienne traverse une période très délicate en raison de la disparition progressive des traitements préférentiels pour les exportations de sucre et de textile vers les pays du Nord. Les sociétés subissent de plein fouet la concurrence des entreprises chinoises, indiennes ou brésiliennes. Et l’équipe qui arrivera au pouvoir devra s’atteler à sauver l’industrie agricole et textile en cherchant à en diversifier les activités et en lui trouvant des marchés de niche. Mais l’avenir du pays passe indubitablement par le développement du tertiaire… à condition de former une nouvelle génération de travailleurs beaucoup plus qualifiés.
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