Alvaro Cunhal

Le leader communiste portugais est décédé à Lisbonne le 13 juin, à 91 ans.

Publié le 19 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Il avait dit un jour que seule la mort pourrait le faire renoncer au Parti. Il a tenu parole. L’homme politique portugais Alvaro Cunhal est mort le 13 juin dernier, à l’âge de 91 ans, avec une foi demeurée intacte en l’idéal communiste qu’il avait embrassé pour la première à 17 ans, en 1931.

Depuis longtemps déjà, il n’était plus qu’un vieux dirigeant figé dans son orthodoxie, un stalinien inébranlable. Ennemi farouche de toute forme de « rénovation », il avait durement critiqué l’« eurocommunisme » initié à la fin des années 1970 par ses camarades italiens et espagnols, affirmant sans cesse que les communistes portugais, eux, « ne changent pas de drapeau ». Ni pendant la Perestroïka ni après la chute du mur de Berlin, pas même en voyant son parti vieillir et la jeunesse regarder ailleurs, il ne doutera un seul instant que « les nouvelles générations gagnées par l’idéal communiste porteront bien haut [le] drapeau rouge au marteau et à la faucille ». Ainsi qu’il le déclarait encore, en 2001, neuf ans après avoir enfin renoncé à briguer un énième mandat de secrétaire général.
Mais c’est pour d’autres raisons que le pays tout entier lui a rendu hommage, et qu’un deuil national a été décrété le jour de ses funérailles. Car la vie d’Alvaro Cunhal ne ressemble pas, loin s’en faut, à celle d’un apparatchik.
En février 1949, quand il est arrêté par la Pide, la sinistre police politique du dictateur António Salazar, il a déjà connu deux fois les prisons du régime. Il est l’homme qui a su réorganiser le Parti communiste portugais (PCP), relancer sa propagande et reprendre en main l’encadrement de ses militants. Son parti est fort de plusieurs milliers de membres, et il a su le doter d’une structure rigoureuse, destinée à protéger au mieux tous ceux qui vivent dans la clandestinité. Il est condamné à vingt ans de prison. Il en passera onze à Peniche, une citadelle-prison plantée au bord de l’océan où les prisonniers voyaient l’eau monter dans leur cellule à chaque marée. Torturé, placé en isolement total pendant huit longues années, il parviendra à s’évader en 1960 avec dix de ses camarades. Commencent alors les années d’exil. À Moscou, bien sûr. Mais aussi à Prague, Paris, Alger.

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Elles s’achèveront le 25 avril 1974 par son entrée triomphale dans Lisbonne, juché sur un char décoré d’oeillets rouges. Un coup d’État militaire vient de se muer en révolution des OEillets et disloque, en quelques jours, une dictature vieille de cinquante ans. Lisbonne accueille en sauveur ce héros de la lutte antifasciste, dont elle découvre enfin le visage.
Nommé ministre sans portefeuille d’un éphémère gouvernement provisoire, il refusera par la suite toute participation aux divers gouvernements qui se succéderont. Sur le terrain, les communistes durcissent le ton, dominent le mouvement syndical et les comités de soldats. Tout l’Alentejo, la région la plus pauvre du Portugal, leur est acquise. En novembre 1975 pourtant, Alvaro Cunhal pèsera de tout son poids pour empêcher au dernier moment une prise de pouvoir des communistes par la force. Pour éviter la guerre civile, explique-t-il alors, conscient que « les forces capitalistes du monde entier […] se sont mobilisées pour empêcher le processus et suivre la ligne de la CIA ». Une occasion historique vient de passer, qui ne se présentera jamais plus. L’heure du Parti socialiste a sonné. Un autre grand exilé occupe désormais le devant de la scène, il s’appelle Mario Soares. En 1976, c’est le leader socialiste qui est élu à la présidence du gouvernement. Réélu en 1983, en 1986, et en 1991, il fera entrer le Portugal dans l’Europe, sur fond de déclin d’un Parti communiste réfugié dans la « défense des acquis de la Révolution ».
Alvaro Cunhal, lui, n’aura jamais changé de discours. Pourtant, ce communiste historique, ce combattant inflexible, cet ayatollah du marxisme laisse aussi derrière lui, en plus d’un parfum de légende, quelques romans écrits à la pâle lueur du cachot, tous publiés sous pseudonyme. Les figures légendaires sont parfois plus complexes qu’il y paraît.

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