Welshman Ncube

Secrétaire général du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), Zimbabwe

Publié le 19 mars 2006 Lecture : 3 minutes.

L’unité du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), parti d’opposition zimbabwéen, se fissure. Une faction sécessionniste a élu à sa tête un ancien leader étudiant, Arthur Mutambara. Professeur de robotique à l’étranger, ce dernier est rentré à la fin de février dans son pays pour contester la légitimité de Morgan Tsvangirai, président du mouvement. Welshman Ncube, 49 ans, secrétaire général de la branche du MDC dirigée dorénavant par Mutambara, a orchestré la scission.

Jeune Afrique : Pourquoi êtes-vous en désaccord avec Morgan Tsvangirai ?
Welshman Ncube : Nous dénonçons ses pratiques antidémocratiques. Le 12 octobre, le conseil national a décidé que le parti présenterait des candidats aux élections sénatoriales. Tsvangirai est passé outre la décision et a déclaré le boycottage. C’est inadmissible. Nous ne voulons pas remplacer Mugabe par un autre dictateur.
Morgan Tsvangirai semble pourtant avoir la légitimité historique pour lui
Le MDC est une création collective issue de syndicats et de mouvements de défense des droits de l’homme. Bien sûr, le nom de Tsvangirai est très connu, car nous l’avons promu pendant six ans. Rien ne nous empêche de faire la même chose avec un nouveau leader.
L’opposition se fait difficilement entendre au Zimbabwe. Cette scission ne va-t-elle pas l’affaiblir davantage ?
À court terme, oui. À long terme, il est plus efficace de réunir des gens qui croient aux mêmes valeurs. Depuis le 12 octobre, le MDC se consumait en luttes intestines. Il vaut mieux deux organisations cohérentes qu’un seul monstre qui se bat contre lui-même.
Pourquoi, selon vous, les oppositions africaines ont-elles souvent du mal à demeurer unies ?
L’absence de mécanismes institutionnels favorisant la contestation politique explique notre difficulté à exister. Nous en arrivons trop souvent à imiter le pouvoir en place. Au Zimbabwe, nous n’avons aucune culture démocratique. Quand Tsvangirai commence à copier Mugabe en niant les principes démocratiques de son parti, c’est que nous n’avons pas réussi à institutionnaliser ces valeurs.
Que pensez-vous de la réforme agraire menée par le président Mugabe ?
La réforme agraire était nécessaire. Mais Mugabe a utilisé le sentiment nationaliste des Zimbabwéens, au détriment de considérations agricoles, sociales et économiques.
Que pensez-vous de la diplomatie occidentale à l’encontre de votre pays ?
La Grande-Bretagne est tombée dans le piège tendu par Mugabe : présenter les problèmes du pays sous le prisme d’une guerre néocoloniale. Les Britanniques, en montant au créneau, ont donné l’impression qu’il s’agissait d’une histoire de Noirs contre Blancs. Ce n’était pas le cas. Plutôt que de dénoncer la réforme agraire, la communauté internationale aurait dû s’attaquer aux législations répressives mises en place par Mugabe.
Que pensez-vous de la diplomatie de Thabo Mbeki ?
La « diplomatie discrète » des Sud-Africains n’a pas fonctionné. Nous comprenons leur méthode et leurs contraintes. Mais Mugabe n’est pas le genre de dictateur qui accepte un règlement pacifique après une séance à huis clos. Un isolement collectif, de la part des Africains, pourrait forcer Mugabe à réformer. Mais s’il peut revendiquer un minimum de soutien de la part de ses pairs, c’est fini.
Robert Mugabe est populaire en Afrique. Le comprenez-vous ?
Il est capable de dire tout haut ce que d’autres pensent tout bas, d’exprimer le ressentiment des Africains contre les anciennes métropoles, l’échec de ces dernières à reconnaître les conséquences du colonialisme. Mais ses pairs ne sont pas fous et le laissent tout seul se mettre en porte-à-faux avec les bailleurs de fonds.

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