Que peut faire le GTI ?

Publié le 19 février 2006 Lecture : 4 minutes.

Menaces à peine voilées des « Jeunes Patriotes », les partisans du président Laurent Gbagbo ; polémique encore vive autour du mandat de l’Assemblée nationale, qui a officiellement expiré le 16 décembre dernier, mais que le chef de l’État a décidé de maintenir en fonction ; bras de fer entre le haut représentant de l’ONU pour les élections en Côte d’Ivoire, Antonio Monteiro, et le Front populaire ivoirien (FPI, le parti du président) à propos de la composition du Bureau de la Commission électorale indépendante (CEI) Le ministre congolais des Affaires étrangères, Rodolphe Adada, aurait sans doute préféré un contexte plus calme pour étrenner, le 17 février, à Abidjan, sa coprésidence du Groupe de travail international (GTI). Tout comme le secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des affaires humanitaires, le Norvégien Jan Egeland, encore sous le choc des violences anti-ONU et des pillages, à la mi-janvier, des bureaux et entrepôts de l’organisation, notamment à Guiglo et ses environs, dans l’ouest du pays.
Mais le calendrier en a décidé autrement en fixant à cette date la quatrième réunion du GTI, la première depuis les violentes manifestations des fidèles du régime. La première aussi depuis le retour « en session extraordinaire » des députés de la mouvance présidentielle dans l’Hémicycle, où ils ont même tenu, à la veille du huis clos du GTI, une séance plénière, pourtant initialement prévue le 21 février. Une sorte de défi lancé aux membres de cette structure chargée du suivi du processus de paix en Côte d’Ivoire. À moins que ce ne soit pour ces parlementaires, dont le sort devait figurer au menu des travaux, une façon d’allumer des contre-feux. De fait, même si la question était prévue à son ordre du jour, le GTI, auquel le groupe de médiation quotidienne a fait un rapport détaillé sur les affrontements sanglants des 16, 17, 18 et 19 janvier, ne s’y est pas attardé.
Le GTI a plutôt tenu à calmer le jeu, laissant entendre qu’il n’avait rien à ajouter à ce qu’il avait dit le 15 janvier, à savoir qu’il ne proposait pas la prorogation du mandat de l’Assemblée nationale. D’autant que Kofi Annan, quelques jours plus tard, précisait que la décision de le faire était une démarche « unilatérale ». En fait, le GTI a préféré ne pas gêner le Premier ministre, Charles Konan Banny, dont la « feuille de route » (démantèlement des milices, désarmement démobilisation et réinsertion, précantonnement, redéploiement de l’administration, préparation des élections) était au centre des discussions. Car Konan Banny, aux manettes depuis trois mois, ne peut mener à bien sa tâche s’il est pris dans un bras de fer entre les affidés du régime et la communauté internationale.
L’Union européenne ne l’a pas compris autrement, qui a décidé d’accorder à la Côte d’Ivoire une subvention de 33,2 millions d’euros (environ 22 milliards de F CFA). Annoncé le 15 janvier, le troisième Programme d’urgence et de réhabilitation post-crise a été signé le 17 février, le jour même de la réunion du GTI. Il doit contribuer à la poursuite de la réinsertion des populations affectées par la crise et au soutien du programme d’identification sécurisée des résidents nationaux et étrangers. Autres sujets abordés : la situation scolaire et estudiantine dans les zones sous contrôle des Forces nouvelles (ex-rébellion), et la situation humanitaire. Mais celui sur lequel le GTI n’a pu lever toutes les hypothèques reste la CEI, objet d’une vive tension entre l’opposition et le camp présidentiel.
Monteiro a beau faire part de « sa conviction que l’élection de son bureau est conforme à la lettre de l’accord de Pretoria » signé en avril 2005, rien n’y fait. Les deux camps campent sur leurs positions. De guerre lasse, il « invite – et le GTI avec lui – le chef de l’État, le Premier ministre et les partis politiques à arriver le plus tôt possible à une entente politique ». Faute de quoi il « se réserve le droit [] de prendre les initiatives nécessaires pour faire avancer le processus ». Mais sur ce dossier, comme sur celui de l’Assemblée nationale, l’attitude de l’Afrique du Sud sera déterminante dans les prochains jours.
En marge de la réunion, certains membres du GTI ont d’ailleurs demandé à Nkosazana Dlamini-Zuma, chef de la diplomatie du président Thabo Mbeki, de s’expliquer sur la démarche de son pays. Le 15 janvier, elle a joint sa voix à celle de tous les autres membres du GTI pour proposer que le mandat de l’Assemblée ne soit pas prorogé, alors que quelques jours plus tard son collègue de la Défense disait tout autre chose. Illustration que, malgré son unité de façade, le GTI est le reflet des contradictions et des rivalités qui traversent le Conseil de sécurité de l’ONU dont il est l’émanation ? Mais Rodolphe Adada, dont le pays siège également au Conseil de sécurité, en sait quelque chose.

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