Quand Bush et Olmert boycottent la démocratie

Publié le 19 février 2006 Lecture : 3 minutes.

En Israël et aux États-Unis, nul ne conteste la régularité et la transparence des législatives qui ont permis, le 25 janvier, au Mouvement de la résistance islamique (Hamas) de rafler 74 des 132 sièges du Parlement palestinien. Est-on pour autant disposé, au sein des plus hautes instances de ces deux pays de tradition démocratique, à s’accommoder de ce choix libre du peuple palestinien ? Rien n’est moins sûr. Tout indique, au contraire, que Washington et Tel-Aviv sont prêts à tout pour abréger la législature de cette organisation, qui refuse de reconnaître l’État hébreu, prône la lutte armée pour libérer la Palestine et ne souscrit donc pas aux accords signés par l’OLP, qui dominait, jusqu’ici, la vie politique palestinienne.
À en croire le New York Times du 14 février, les États-Unis et Israël sont décidés à saborder l’expérience gouvernementale du Hamas. Un « plan » aurait été conçu dans ce sens « aux plus hauts niveaux du département d’État américain et du gouvernement israélien ». Il consiste à mettre en quarantaine l’Autorité palestinienne (AP) dirigée par le mouvement islamiste. Le partage des rôles est clair : les Américains vont suspendre leur aide financière et s’abstenir du moindre contact avec les Palestiniens tout en faisant pression sur les Européens et les États arabes pour qu’ils leur emboîtent le pas. Quant aux Israéliens, ils entendent bloquer le produit des taxes douanières qu’ils perçoivent au nom des Palestiniens et reversent, chaque mois, à l’AP. Tel-Aviv compte non seulement interdire aux membres des nouvelles institutions palestiniennes issus du Hamas de circuler entre la Cisjordanie et la Bande de Gaza, mais aussi refuser à la main-d’uvre palestinienne l’accès à son propre territoire.
Objectif : saper le crédit des islamistes en les empêchant de tenir leurs promesses électorales, notamment l’amélioration des conditions de vie de leurs citoyens. Lesquelles risquent de se dégrader rapidement. L’AP n’aurait plus les moyens de payer ses 140 000 fonctionnaires – dont 58 000 travaillent dans les différents services de sécurité -, ni d’assurer le minimum vital à une population dont 60 % vit déjà en dessous du seuil de pauvreté. Le chaos qui en résulterait amènerait le président Mahmoud Abbas, selon le scénario échafaudé par le couple israélo-américain, à convoquer de nouvelles élections générales. Échaudé par le « blocus », l’électorat chercherait, cette fois, son salut auprès du Fatah, qui aura, entre-temps, resserré les rangs et rajeuni sa direction.
Gêné par les révélations du quotidien américain, Washington a nié avoir ourdi pareil complot avec Tel-Aviv. Mais les faits et les déclarations aussi bien des responsables américains qu’israéliens confirment l’existence d’une volonté commune d’étrangler les Palestiniens. Le 15 février, la Chambre des représentants s’est prononcée pour le gel de l’aide directe à l’AP, cautionnant ainsi l’administration Bush, qui avait déjà exprimé son intention de réexaminer cette subvention. Le même jour, Tzipi Livni, la nouvelle ministre israélienne des Affaires étrangères, a juré que son pays ne verserait plus aucun centime aux Palestiniens dès l’installation, le 18 février, du nouveau Parlement.
D’emblée, Américains et Israéliens semblent donc avoir opté pour une stratégie d’exclusion du Hamas sans même lui laisser le temps de revoir ses positions. Une orientation dont s’est désolidarisé le président russe, Vladimir Poutine, qui a invité, le 9 février, une délégation du Hamas à se rendre à Moscou. Le Kremlin, dont la démarche a irrité Washington et Tel-Aviv mais reçu « la compréhension » de Paris, estime que l’organisation islamiste, portée aux affaires par une élection libre, saura faire preuve de modération et de pragmatisme. Unique allié de l’État hébreu dans le monde islamique, la Turquie fait le même pari. Le 16 février, Abdullah Gül, son ministre des Affaires étrangères, a reçu Khaled Mechaal, chef du bureau politique du mouvement palestinien. De fait, en choisissant des personnalités « modérées », comme Abdel Aziz Duhaik pour la présidence du Conseil législatif et Ismaïl Haniyeh pour la primature, le Hamas semble aller dans ce sens. Le président égyptien Hosni Moubarak croit lui aussi à cette mutation. Dans un entretien diffusé le 15 février par une télévision israélienne, le raïs a défendu sa position en rappelant que « nous aussi, nous avions à un moment déclaré que nous voulions jeter les Juifs à la mer ».

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