Bataille sous la couette

Publié le 19 février 2006 Lecture : 3 minutes.

Poids lourds du Parti socialiste, Ségolène Royal et François Hollande forment le couple le plus en vue de la politique française. Ils se sont connus et aimés sur les bancs de l’École nationale d’administration. Vingt-cinq ans et quatre enfants plus tard, ils poursuivent des carrières politiques brillantes qui convergent aujourd’hui vers un seul et même objectif : la présidentielle de 2007. De quoi diable peuvent-ils bien parler au petit déjeuner ?
Royal a actuellement le vent en poupe et s’envole dans les sondages. Depuis peu, elle devance même Nicolas Sarkozy, le candidat favori de l’UMP. À partir d’interviews et de potins glanés auprès des camarades de parti du couple, les auteurs d’un livre publié récemment* proposent une explication simple de la popularité dont elle jouit auprès des Français : à la différence de la plupart des hommes politiques, elle est à l’écoute des électeurs et s’efforce de répondre à leurs préoccupations dans un langage simple. Aussi élégante qu’éloquente, elle est la coqueluche des magazines féminins, dans les colonnes desquels elle évoque aussi bien la difficulté d’élever des enfants dans le monde d’aujourd’hui que les menaces qui pèsent sur l’environnement.
Fervente féministe, elle n’a jamais éprouvé le besoin de légaliser son union par un mariage. Lors de son passage au gouvernement, elle a imposé l’usage du terme « Madame la Ministre », plutôt que le traditionnel « Madame le Ministre ». Mais Ségolène Royal est aussi une infatigable meneuse de campagne, qui sait à l’occasion faire habilement vibrer une note populiste. Une « Sarkozy en jupon », en somme. En 2004, elle s’est fait élire triomphalement à la présidence de la région Poitou-Charentes.
De nombreux dirigeants socialistes peinent à dissimuler la consternation que leur inspire son refus obstiné de faire ce que l’on attend d’elle : qu’elle sacrifie sa carrière à celle de son compagnon. « Je suis Ségolène Royal, et pas la femme de qui que ce soit », dit-elle. « Ségo rime avec ego », persiflent certains de ses « amis » politiques. Les « éléphants » du PS, notamment, ne lui ménagent pas les commentaires plus ou moins désobligeants. « Qui va s’occuper des enfants ? » feint ainsi de s’interroger l’ancien Premier ministre Laurent Fabius. Un autre juge que « le programme de Ségolène tient en trois mots : moi, moi et moi ». « Sans doute suis-je un peu marginale par rapport au PS, réplique l’intéressée, mais je suis en phase avec le peuple. »
Même François Hollande semble parfois menacé de perdre son sang-froid. À l’évidence, il ne supporte pas le surnom de « monsieur Royal » dont on l’affuble parfois. À l’ENA, tout le monde s’accordait à prédire un brillant avenir à ce talentueux et spirituel fils d’un médecin rouennais. De fait, entré en politique, il a vite démontré une indiscutable habileté, doublée d’une certaine propension à faire allégeance au puissant du moment. Jugement acerbe d’un observateur : « Mitterrandien sous Mitterrand, deloriste sous Delors et jospiniste sous Jospin, il pourrait aussi bien être hollandiste sous Hollande que royalien sous Royal. »
Premier secrétaire du PS, il a aidé les socialistes à se reprendre après leur cuisante défaite à la présidentielle de 2002. Hollande a pris la tête de l’opposition à l’impopulaire gouvernement de centre-droit mis en place dans la foulée et remporté trois victoires successives aux élections régionales, cantonales et européennes. Mais son espoir d’émerger comme le candidat incontesté de la gauche en 2007 a été contrecarré par la division des socialistes lors du référendum sur la Constitution européenne. Et par la victoire du non. Depuis, le premier secrétaire a un peu tendance à s’enliser dans d’obscures batailles d’appareil, tandis que sa compagne consacre toute son énergie à séduire l’opinion.
Sur le programme du parti, Hollande et Royal ont peu de divergences, si ce n’est sur le mariage homosexuel – il est pour, elle est contre -, mais là n’est pas l’essentiel. Comme le dit Hollande : « C’est le mieux placé des deux qui sera désigné », pour défendre les couleurs socialistes en 2007.
Le livre se clôt sur l’évocation d’un dîner en tête à tête – imaginaire – à l’occasion du cinquante-troisième anniversaire de Madame. Ségolène annonce à son partenaire son intention d’être candidate. À l’arrivée du soufflé au roquefort, François fait de même. C’est le début d’une véritable bataille dynastique, version moderne de la « guerre des Roses ». Les roses socialistes, bien sûr…

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