Kibaki lâché par les siens

Après la victoire du non au référendum du 21 novembre, les adversaires du président réclament de nouvelles élections. Ses anciens alliés aussi.

Publié le 18 décembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Est-ce une manifestation de la vitalité démocratique kényane ou, au contraire, les prémices de la « chienlit » politique et de son inévitable corollaire, l’infernal tandem manifestation-répression ? Seule certitude aujourd’hui, le bras de fer est bel et bien engagé entre le président Mwai Kibaki et ses opposants, dont certains étaient hier encore ses amis politiques. Depuis près d’un mois, en effet, le tombeur de l’ancien dictateur Daniel arap Moi, au pouvoir à Nairobi pendant vingt-quatre ans, doit faire face à une véritable fronde de ceux – y compris certains membres de la coalition arc-en-ciel – qui l’avaient porté au pouvoir lors de la présidentielle de décembre 2002.
Tout a commencé le 21 novembre, avec le référendum sur le projet de révision de la Loi fondamentale. Promesse majeure du candidat Kibaki à la magistrature suprême il y a trois ans, la révision de la Constitution aurait pu n’être pour lui qu’une simple formalité, s’il avait respecté le principe d’un rééquilibrage des pouvoirs au sommet de l’exécutif, comme il s’y était engagé. La réforme passait, notamment, par la création d’un poste de Premier ministre aux attributions étendues. Ce qui n’est absolument pas le cas dans la mouture présentée aux Kényans lors de la consultation de la fin novembre. Au contraire. Le chef du gouvernement se retrouve avec un champ de compétences des plus réduits, alors que le président voit, lui, ses prérogatives largement renforcées. Rien d’étonnant, du coup, à ce que le texte ait été largement rejeté, par près de 58 % des suffrages exprimés.
Dans la semaine du 22 novembre, Mwai Kibaki reporte ensuite, au 1er mars 2006, la reprise de la session parlementaire interrompue pour la campagne référendaire, alors que les députés auraient dû reprendre le chemin de l’Hémicycle au début du mois de décembre. Puis il interdit tout rassemblement dans le pays, estimant que les différentes manifestations – notamment celle du 28 novembre, à Nairobi – et appels à l’organisation d’élections anticipées constituent « une menace pour la sécurité nationale »… Il n’en faut pas plus aux « dissidents » de la coalition arc-en-ciel pour crier à une dérive autoritaire du régime et au retour de pratiques qu’ils croyaient définitivement disparues.
La situation s’envenime un peu plus encore le 7 décembre, lors de la nomination d’un nouveau gouvernement en remplacement de celui limogé le surlendemain du référendum. Alors que des voix avaient réclamé un cabinet d’unité nationale pour tenir compte du message envoyé par les Kényans, c’est, à l’inverse, un gouvernement de fidèles au président qui prend le relais. Les sept ministres de l’ancienne équipe qui avaient fait campagne pour le « non » au projet de révision constitutionnelle ont, eux, naturellement perdu leur portefeuille. Ce qui donne lieu à une cérémonie d’investiture des plus tendues, le 9 décembre. Pour protester contre la nomination d’un cabinet ne reflétant plus la volonté du peuple et l’attribution de postes ministériels sans consultation des partis de la coalition, une vingtaine de ministres et de secrétaires d’État désignés refusent d’occuper leurs fonctions et n’assistent pas à la prestation de serment de la nouvelle équipe…
Pour les anciens alliés du chef de l’État désormais réunis dans le Mouvement démocratique orange (ODM) – une structure née pendant la campagne pour le référendum qui doit son nom au fruit symbolisant le « non » sur les bulletins de vote -, ce nouvel épisode fait figure de provocation. Selon eux, la seule issue pour sortir de la « crise de confiance » dont souffre le président est l’organisation de nouvelles élections générales en 2006. Une revendication qu’ils n’ont pas manqué d’appeler de leurs voeux, le 12 décembre, à l’occasion du 42e « Jamhuri Day », la fête nationale célébrant l’accession à l’indépendance du Kenya vis-à-vis de la couronne britannique. Kibaki voit, lui, les choses tout à fait autrement. Bien sûr…

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