Chacun pour soi

Publié le 18 décembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Lancé en 2001, le cycle de Doha devait être celui de la libéralisation des échanges. Avec, en toile de fond, un dogme : l’intensification du commerce mondial est source d’enrichissement et facteur de développement. Après quatre années de négociations et plusieurs échecs, dont celui, cinglant, de Cancún, force est de constater que cette théorie a pris du plomb dans l’aile. Mais, au-delà du blocage sur les questions agricoles, l’OMC est avant tout victime de la diversité des situations et d’une lutte acharnée pour la défense de positions dominantes. La somme des intérêts particuliers ne pouvant s’additionner et donner naissance à un accord général, le grand marchandage est pour l’instant sans issue.

Agriculture Elle ne représente que 10 % des échanges mondiaux, mais fait vivre plus de la moitié de l’humanité. L’immense majorité de cette population (2,8 milliards de personnes) est une paysannerie familiale concentrée dans les pays du Sud. Exclue des circuits de vente et souffrant d’une productivité insuffisante, cette masse paysanne n’a tiré aucun bénéfice de la mondialisation. Dans les pays du Nord, en revanche, une trentaine de millions d’agriculteurs, relayés par l’industrie agroalimentaire et soutenus par leurs pouvoirs publics, ont inondé les marchés internationaux. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les aides agricoles dans les pays riches ont atteint 280 milliards de dollars en 2004. Viennent ensuite les nouvelles puissances émergentes soucieuses de participer au grand festin, comme le Brésil, l’Inde et la Chine. Autant de positions inconciliables et d’intérêts divergents. Européens et Américains rechignent à baisser leurs aides et leurs droits de douane. Le Brésil, prochaine « ferme du monde », réclame au contraire une ouverture accrue des frontières. Quant aux Africains, ils demandent une protection de leur marché. Pour trouver un compromis, la tentation est grande de sortir les questions agricoles, dans la perspective d’une nouvelle conférence en avril 2006.

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Industrie et services « Il n’est pas question de concession unilatérale de l’Union européenne », prévient Bruxelles. « Aucun saucissonnage ne sera accepté », martèle la France. Mais le deal tant espéré se fait attendre et la partie de poker menteur se prolonge. En échange des concessions agricoles, le clan des riches exige une libéralisation renforcée sur les biens industriels et les services. Les pays émergents tergiversent, craignant une concurrence insoutenable des multinationales occidentales. En Inde, les taxes douanières sur les véhicules importés sont de 60 %. Concernant les banques, les télécommunications, le tourisme ou la grande distribution, les discussions sont au point mort.

Développement Il « passe forcément par une augmentation des revenus agricoles », estime Ndiogou Fall, président d’un collectif d’organisations paysannes africaines (Roppa). L’Union européenne propose une extension de l’initiative « Tout sauf les armes » sur un ensemble de produits qui seraient totalement affranchis de barrières douanières. Mais le Japon ne veut rien lâcher sur le riz taxé à 290 % ni les États-Unis sur le textile. Quant au coton, Washington a promis un libre accès de son marché à la production africaine, mais se montre très vague sur les 4 milliards de dollars versés chaque année aux 25 000 cotonculteurs américains. En Afrique, les pertes représenteraient 400 millions de dollars. « C’est la vie de vingt millions de familles qui est en jeu », s’émeut Vincent Traoré, président de l’Association des producteurs de cotons africains. La suppression des subventions et la libéralisation des échanges agricoles pourraient entraîner des gains estimés à 300 milliards de dollars par la Banque mondiale. Encore faudrait-il que cette règle soit appliquée par tous. De la même manière. En attendant, « le paquet développement » négocié, qui prévoit notamment un doublement de l’assistance au commerce pour les pays les plus pauvres, paraît bien dérisoire.

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