Quand un Bourbon sort de ses gonds

Vertement tancé par Juan Carlos, Chávez exige du roi des excuses et annonce « une profonde révision » des relations avec Madrid.

Publié le 18 novembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Contrairement à ce qu’espérait Madrid, l’incident n’est pas clos. Loin de là. Revenant sur l’altercation qui l’a opposé, le 10 novembre, lors du XVIIe Sommet ibéro-américain, à Santiago, au chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, puis au roi Juan Carlos, qui lui a demandé de se « taire », Hugo Chávez, président du Venezuela, exige maintenant du monarque qu’il s’excuse publiquement. Et annonce que les relations politiques, diplomatiques et économiques avec l’Espagne seront soumises à « une profonde révision ». « Les entreprises espagnoles vont devoir rendre plus de comptes, je vais les avoir à l’il », a-t-il déclaré, le 14 novembre, à la télévision d’État TVO. Quand on sait avec quelle détermination Chávez a repris en main le secteur pétrolier, on conçoit que Madrid puisse prendre la menace au sérieux ; quelque quatre-vingts multinationales ibériques opèrent actuellement au Venezuela, pour un investissement global de 2,5 milliards de dollars.
Mais que s’est-il passé au juste ? Et qu’est-ce qui a bien pu amener Juan Carlos à sortir ainsi de ses gonds ? Ouvert par la présidente chilienne Michelle Bachelet, le sommet avait commencé sous de mauvais auspices. Dès le premier jour, le leader bolivarien passe à l’offensive, traitant José María Aznar, le prédécesseur de Zapatero, de « fasciste », de « serpent » et de « petit chien dans les jupes de George W. Bush ». En outre, la discussion sur la cohésion sociale, thème central du sommet, donne l’occasion à plusieurs présidents de gauche, comme Daniel Ortega (Nicaragua), Evo Morales (Bolivie) ou Nestor et Cristina Kirchner (Argentine), de tirer à boulets rouges sur le modèle néolibéral et sur l’action des multinationales ibériques en Amérique latine. La délégation espagnole encaisse. Quant à Chávez, il en profite pour rappeler la reconnaissance immédiate par Aznar du coup d’État mené contre lui le 12 avril 2002.
Deuxième jour, surprise. Zapatero prend la défense de José María Aznar, son ennemi politique déclaré. Extrait :
Zapatero : En tant qu’Espagnol et au nom du respect dû à tout ancien élu du peuple
Chávez : C’est à lui qu’il faut parler de respect !
Zapatero : Je ne suis pas proche de l’ancien président du gouvernement Aznar, mais il a été élu par les Espagnols, et j’exige, j’exige
Chávez : Dites-le lui à lui. Qu’il respecte
Zapatero : J’exige ce respect, pour une raison
Chávez : Dites-lui la même chose !
Le roi : Pourquoi tu ne te tais pas !
Bachelet : S’il vous plaît, pas de dialogue. Tout le monde a eu le temps d’aller au bout de son intervention. Président, veuillez poursuivre.
Chávez : Il est peut-être Espagnol le président Aznar, mais c’est un fasciste et c’est un
Zapatero : Président Hugo Chávez, je crois qu’il est essentiel, pour respecter et être respecté, de nous efforcer de ne pas tomber dans l’anathème.
Le soir même, la vidéo de l’incident était en ligne et faisait le tour du monde. Une aubaine pour Chávez, qui excelle dans le maniement des symboles. Quelques jours plus tard, le coup de gueule de Juan Carlos était même détourné par les internautes et décliné en de multiples clips humoristiques sur des rythmes techno, devenant le tube de la semaine sur le site de partage de vidéo YouTube.
Si on peut comprendre que le roi d’Espagne ait pu être agacé par les constantes interruptions de Chávez, on n’en reste pas moins surpris par son manque de sang-froid. Pas lui, pas ça, et surtout pas à Chávez. Qui ne pouvait qu’en faire son miel. Quant au gouvernement espagnol, il ne lui reste plus qu’à essayer de recoller les morceaux. Par exemple en envoyant à Caracas le ministre socialiste des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos. Lui aussi, en 2004, avait reproché ouvertement à José María Aznar d’avoir appuyé le putsch militaire contre Chávez.

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