Introspection

Publié le 18 novembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Le fait qu’un auteur musulman comme Malek Chebel, d’origine algérienne, ait eu la volonté d’écrire un ouvrage grand public sur le sujet tabou de l’esclavage en terre d’Islam est une première. Et devrait donner quelques idées. Grâce à lui, les traites dites « arabes », orientales et transsahariennes, les plus longues et les plus meurtrières, rejoignent dans l’opprobre les traites européennes que la loi Taubira de 2001 a justement qualifiées de crimes contre l’humanité.
Un travail utile et courageux donc, mais dont on attend la suite. En l’occurrence, il est de moins en moins compréhensible que les questions de l’esclavage interne – tant domestique que marchand – en Afrique subsaharienne, tout comme celles des responsabilités locales purement africaines dans le développement des « grandes » traites, en particulier occidentales, demeurent quasiment inabordables et totalement exclues de la reconnaissance mémorielle. Aujourd’hui encore, le simple fait d’écrire que seul un faible pourcentage des captifs déportés au-delà de l’Atlantique ont été directement razziés par les négriers européens, mais qu’ils le furent en majorité par des États intermédiaires, lesquels en faisaient commerce de leur plein gré, sur une base de partenariat et de rentabilité, est considéré comme politiquement incorrect, à la limite du révisionnisme.
Du Fouta Djallon au royaume d’Abomey, des chefferies Ovimbundu aux marchands de grande envergure swahilis ou vilis, combien de fortunes, combien d’entités étatiques se sont-elles construites sur cet échange régi par la loi de l’offre et de la demande que fut aussi la traite ? Et cela avec d’autant moins de mauvaise conscience que l’esclavage n’y était pas plus réprouvé sous ces latitudes qu’au Nord, voire couramment pratiqué sous une forme domestique ? Dire ces évidences, dont il demeure aujourd’hui encore de nombreuses traces, ce n’est pas entrer dans une concurrence victimaire, encore moins atténuer l’horreur industrielle et raciste des traites européennes. C’est simplement aborder enfin avec sérénité un pan de l’Histoire. Beaucoup d’Africains estiment que les chercheurs non africains ne sont pas les mieux placés pour en parler – ce qui est exact, mais n’enlève rien à la nécessité de cette introspection. On attend donc avec intérêt que Malek Chebel fasse, au sud du Sahara, des émules

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires