« Moi c’est lui, lui c’est moi »

Publié le 18 septembre 2005 Lecture : 2 minutes.

Trente-cinq minutes d’intervalle à l’arrivée au monde, c’est la seule différence qui distingue les jumeaux polonais Kaczynski, l’un et l’autre candidats, à 56 ans, aux deux plus hauts postes du pays : la présidence de la nation pour Lech, la présidence du gouvernement pour son… aîné Jaroslaw. Ils se présentent pour la très catholique formation PIS (Droit et Justice) de tendance néoconservatrice et eurosceptique. De mois en mois, leur position s’améliore dans les sondages, qui les placent en tête avec Donald Tusk, chef de l’autre formation de droite, le PO (Plate-forme civique, d’orientation plus libérale).

Jaroslaw est le fondateur et leader du PIS auquel les enquêtes d’opinion s’accordent à prédire sinon la majorité, du moins une belle victoire aux élections parlementaires du 25 septembre. Candidat du même parti sur le même programme de lutte contre le chômage et la corruption, Lech, triomphalement élu maire de Varsovie il y a trois ans, se présentera le 9 octobre à l’élection présidentielle au suffrage universel.
Les cas de gémellité sont plutôt rares en politique. Chez les Kaczynski, elle est plus qu’une ressemblance. Une copie à l’identique. Même look en public, même visage sur leurs affiches. Lors d’un récent concert à Varsovie où ils étaient assis côte à côte, le public s’est amusé, le temps d’un entracte, à mettre en vain le bon prénom sur leurs faces interchangeables.
Ils étaient déjà inséparables quand on leur confia les rôles vedettes des deux frères du film Those Two Who Would Steal the Moon (« Ces deux qui voleraient la lune »), tiré d’un livre à succès pour la jeunesse. À l’école, il leur arrivait de se remplacer aux examens. Lech, meilleur en polonais, permutait avec Jaroslaw, qui lui renvoyait l’ascenseur pour les sciences. Lorsque, après des études similaires qui les conduisirent aux mêmes professions d’avocat et de professeur, ils décidèrent de se lancer ensemble dans la politique, Lech n’hésita pas à siéger à la place de son député de frère, jusqu’au jour où un collègue le dénonça au président de l’Assemblée.

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Ils évitent d’apparaître en même temps dans les meetings et donnent des interviews séparées. Parfois, la nature reprend le dessus. À la convention de leur parti, Lech commença son discours par « Moi et mon frère… », puis, devant les rires, il se rattrapa avec humour : « En fait non, mon frère et moi… », avant d’ajouter ce qui fait leur force : « Nous ne nous sommes jamais trompés dans nos diagnostics. » Reste à savoir quelles seront les conséquences électorales d’une gémellité aussi troublante, proche du clonage. Jaroslaw a déjà déclaré que si son éventuelle désignation de Premier ministre risquait de contrecarrer la candidature de Lech à la présidence, il s’effacerait.

Peut-on imaginer pourtant modèle plus idéal de cohabitation au sommet de l’État, de certitude mieux garantie de cohérence dans le programme et de cohésion dans son application, que ce pouvoir fraternel à deux têtes ? Et dans cette Pologne courageuse où la blague populaire, déjà riche d’innombrables jeux de mots sur les frères Kaczynski (« canards »), devenue le dérivatif national aux malheurs du chômage et aux écoeurements de l’affairisme politicien, la formule « deux en un » n’est pas après tout la plus malvenue pour symboliser la grande lessive promise, et la mener énergiquement à son terme.

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