Quelques vérités sur l’émigration malienne

Publié le 18 juin 2006 Lecture : 2 minutes.

Autant je me suis reconnu dans la décision du président malien de l’époque, Alpha Oumar Konaré, de ne pas aller à la rencontre de Jacques Chirac nouvellement élu, à Dakar en 1995, autant je ne me reconnais pas dans l’attitude des autorités maliennes lors du voyage du ministre français de l’Intérieur Nicolas Sarkozy à Bamako.

Il est vrai que ce dernier semble en faire toujours un peu trop. Ce qui est dommage, car il y a de nombreux points positifs dans ses actions. Au moins devons-nous lui reconnaître une volonté sincère d’agir autrement sur les aspects sensibles des relations franco-maliennes, notamment sur l’immigration – clandestine ou choisie -, puisque nous sommes arrivés à une situation critique.
L’été dernier, une bonne vingtaine de Maliens a perdu la vie dans les incendies d’hôtels parisiens. Outre la douleur causée par la tragédie elle-même, ce fut aussi une nouvelle humiliation terrible. Faut-il rappeler l’affaire des « 101 Maliens de Pasqua », la prise d’assaut de l’église Saint-Bernard, et tant d’autres ? Dès lors, la question soulevée par le ministre de l’Intérieur – « la France peut-elle accueillir tous les migrants, y compris ceux à qui elle ne peut donner ni travail ni logement ? » – n’a plus lieu d’être taboue.

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Le pragmatisme et le bon sens auraient dû amener le Mali à se déclarer favorable à des négociations sérieuses pour résoudre ce fléau. L’absence de proposition témoigne de notre faiblesse, et plus encore, de notre incompétence. On proteste toujours et contre tout, sans jamais rien proposer en contrepartie. Nous sommes la première communauté africaine de France. Qui plus est, la moins assimilée ou assimilable de toutes. La plus exposée, donc, aux expulsions.
Toujours est-il que 80 % de ladite communauté vient de la première région administrative, Kayes, qui s’étend sur environ 120 000 km2, avec une population de 1,5 million d’habitants, dont 30 % souffrent de malnutrition chronique ! Les études migratoires ont très tôt fait état d’une forte dépendance économique de tous les villages de la région vis-à-vis de l’émigration. Certes, le Mali figure parmi les pays les plus pauvres du monde. Mais cela justifie-t-il la persistance, depuis près d’un demi-siècle, de la misère dans cette partie du pays ?

Pour l’économiste français Antoine de Montchrestien (1576-1621), le labour doit être le commencement de toutes les richesses. En d’autres termes, l’agriculture joue un rôle clé dans le progrès économique. En quarante ans d’indépendance, combien les autorités maliennes ont-elles formé d’ingénieurs agronomes ? À ce jour, au Mali, on cultive encore la terre avec une houe. Y a-t-il jamais eu une véritable politique d’éducation nationale ou régionale en cohérence avec les besoins du développement ?

Les collectivités locales, qui, par les lois de décentralisation, ont une certaine autonomie depuis l’avènement du multipartisme doivent convaincre les partenaires du développement de la nécessité de contourner purement et simplement le gouvernement central de Bamako. Sinon cette région est condamnée à croupir encore dans la misère pour les cinquante années à venir.

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