La filière gabonaise à la peine

Publié le 18 juin 2006 Lecture : 3 minutes.

Depuis le 1er janvier 2006, la filière forestière au Gabon est en effervescence. En toile de fond, la levée du monopole de l’État sur la commercialisation des grumes d’okoumé. Cette essence, dont les qualités sont inégalées pour l’industrie du déroulage (contreplaqué), représente plus des deux tiers de la production annuelle qui oscille autour de 3 millions de m3. L’enjeu est de taille. Si la contribution du bois au PIB reste faible (entre 3 % et 4 %), ce secteur est le deuxième employeur du pays après la fonction publique, fournit 12 % des revenus d’exportation et offre une possibilité de diversification économique avant le déclin annoncé de la rente pétrolière.
La forêt, encore peu exploitée, si ce n’est dans la zone côtière facile d’accès, couvre plus de 20 millions d’hectares, soit près de 80 % du territoire, et abrite une soixantaine d’essences commercialisables. Le potentiel forestier est estimé à 400 millions de m3. Afin de préserver et valoriser ce patrimoine naturel, les autorités de Libreville ont travaillé dans deux directions : la gestion durable et la transformation des grumes. Pour cela, un nouveau code forestier, adopté en 2001, est entré en application l’année dernière. Après des années de coupes intensives, les forestiers sont dans l’obligation de présenter à l’administration un plan d’aménagement comprenant un inventaire environnemental, un plan de rotation des coupes et une prévision de reboisement. À défaut, ils pourraient être chassés tandis qu’un nouveau système d’attribution des concessions est en préparation pour plus de transparence.
La plupart des gros exploitants européens (CEB Thanry, Rougier, etc.) se sont conformés à cette nouvelle législation, mais ils doivent parallèlement faire face à la concurrence asiatique (malaisienne et chinoise) et à une fiscalité plus lourde. « Il est difficile pour nous de tout faire : financer la défense de l’environnement dans un contexte de forte concurrence et de baisse des prix », déclare Jacques Rougier, président de la société éponyme.
Concernant la transformation, le chemin s’annonce tout aussi cahoteux. Pour l’instant, moins de 20 % des grumes sont déroulées, sciées ou tranchées sur place. Le bois transformé ne représente que 2 % des exportations gabonaises. Depuis quelques années, les professionnels ont donc été incités par l’État à investir pour développer cette activité industrielle, considérée comme plus rentable. Les principales usines de transformation se trouvent à Port-Gentil, où les grumes arrivent en descendant l’Ogooué avant de repartir, débitées, par bateau. En théorie, rien ne cloche, mais les difficultés de la Société nationale des bois du Gabon (SNBG), détenue à 51 % par l’État et 49 % par les forestiers, ont singulièrement compliqué la donne.
Tout a commencé à la fin des années 1990 avec la crise financière en Asie, première destination de l’okoumé. Mauvaise gestion, sureffectif, la SNBG n’a pas su s’aligner. L’okoumé gabonais est devenu peu compétitif tandis que le coût du fret maritime a augmenté. Depuis, les exportations sont en chute libre. La société perd de l’argent et se trouve dans l’incapacité d’honorer ses engagements auprès des exploitants. Privatisable, la compagnie est en cours de restructuration, comme le prévoient les accords avec le FMI. Et cela passe par la suppression du monopole qu’elle détenait.
En remplacement, une vingtaine d’opérateurs privés ont obtenu des quotas d’exportation. « Les quantités prévues sont supérieures aux exportations actuelles, dénoncent plusieurs professionnels. Cela va à l’encontre de la politique d’industrialisation. » Explication : pour alimenter leurs quotas, les exportateurs sont en train d’assécher le marché en achetant à tour de bras. Incontournables, ils imposent leurs conditions obligeant les forestiers à les fournir en priorité. Au détriment des industriels implantés sur place qui ont toutes les peines du monde à faire tourner leurs scieries. « Je ne suis pas persuadé que tout le monde tirera son épingle du jeu à la disparition du système », avait prévenu le PDG de la SNBG, Jean Prosper Moussouamy. Nous y sommes.

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