Assia Djebar, le sabre avant le sacre
Siéger à l’Académie française, c’est adopter un accoutrement distinctif composé d’un bicorne, d’une cape et du célèbre habit vert, dont les caractéristiques furent fixées au lendemain de la Révolution, sous le Consulat. La traditionnelle épée, quant à elle, fut alors interdite, au nom de l’abolition des privilèges, avant de reprendre ses droits à la Restauration. À sa création en 1635, sous Louis XIII, l’Académie faisait en effet partie de la Maison du roi, ce qui autorisait les gens de lettres qui la composaient à porter l’épée
La tradition veut aujourd’hui que cette arme toute symbolique soit offerte au nouvel académicien par ses amis. Présidé par Jean Daniel, le directeur du Nouvel Observateur, un comité d’honneur avait été constitué pour financer celle d’Assia Djebar, élue le 16 juin 2005 et qui fera son entrée officielle sous la Coupole le 22 juin prochain. Le magnifique objet remis le 15 juin à l’écrivaine algérienne lors d’une cérémonie organisée à l’Institut du monde arabe ne manque assurément pas de symboles. Sur le sabre oriental du XVIIIe siècle déposé entre ses mains par l’historien Pierre Nora, qui avait présenté sa candidature l’an dernier, ont été gravées les trois lettres pax (« paix » en latin) entre ses initiales en arabe. Répondant aux divers hommages qui lui ont été adressés, l’auteur de La Soif – son premier roman publié chez Julliard en 1957, alors qu’elle n’avait que 19 ans – a confié qu’elle a choisi ce mot pour rappeler quelle épreuve avait été pour elle, comme pour tous ses compatriotes algériens, la sombre décennie 1990.
Assia Djebar, qui fêtera ses 70 ans le 4 août et enseigne aujourd’hui la littérature francophone à la New York University, a vu un heureux présage dans le fait d’être la cinquième femme à rejoindre la « Vieille dame du quai Conti ». On sait que le chiffre 5, hamsa en arabe, représenté par la célèbre main de Fatma, est considéré comme le porte-?bonheur par excellence ?au Maghreb.
Juges éclairés du bon usage des mots, les académiciens ont pour principale activité de travailler à leur fameux Dictionnaire. Le terme sur lequel devra plancher Assia Djebar, qui a consacré une bonne partie de son uvre aux questions d’identité, ne pouvait être mieux choisi : repère.
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