Courrier des lecteurs

Publié le 18 mai 2008 Lecture : 6 minutes.

Revitaliser l’agriculture africaine
– Je suis un ingénieur suisse spécialisé dans les technologies alimentaires et j’ai lu avec beaucoup d’intérêt les articles et enquêtes sur la crise alimentaire dans le J.A. n° 2468.
J’ai notamment relevé le regard prometteur de l’éditorial de Béchir Ben Yahmed sur une relance des activités agricoles liées à l’agro-industrialisation, lesquelles constituent de puissants moyens pour développer les activités dans les zones rurales, créer des emplois et de la productivité. Les erreurs que sont l’abandon des terres, des bras, des engrais et, surtout, des productions vivrières ont créé une dépendance envers des produits d’importation qui sont aujourd’hui devenus une manne pour les spéculateurs.
Je ne puis que partager votre avis : la résolution de la crise passe par une revitalisation du secteur des productions agricoles et par des investissements dans les structures de conditionnement et les moyens logistiques de transport. Que gagnons-nous à déplacer des agriculteurs vers des centres urbains ou les attendent chômage et misère sans retour ?
La situation actuelle résulte, entre autres choses, d’une série de dysfonctionnements de la filière agroalimentaire. La récupération des pertes post-récoltes (dues à des pourrissements prématurés) pourrait transformer le gâchis en opportunité d’approvisionnement. Bien sûr, je rejoins les constatations du chercheur Benoît Daviron (voir J.A. n° 2468, p. 24), mais il y a là un terrain de propositions, de suggestions ainsi qu’une nouvelle perspective pour les agriculteurs et les consommateurs.
Jacques Rivkine, Genève, Suisse

Ombre chinoise
– L’article intitulé « Inde-Afrique : l’ombre chinoise », rédigé par Tirthankar Chanda (voir J.A. n° 2466, pp. 14-15) ne fournit pas une évaluation pondérée et objective du sommet Inde-Afrique qui s’est récemment tenu à New Delhi. Le qualifier d’« ombre de la présence chinoise en Afrique » constitue une injustice à l’égard du partenariat Inde-Afrique.
L’association de l’Inde à l’Afrique est vieille de plusieurs siècles. Le vaillant combat de l’Inde pour sa liberté se retrouve aussi dans les efforts mondiaux pour libérer l’Afrique du joug colonial. Les relations ont mûri sur une période de plusieurs décennies pour atteindre leur statut actuel, accentuant une coopération économique et technique. L’Inde entretient d’excellentes relations bilatérales avec presque tous les pays africains et de fortes relations institutionnelles avec des Communautés économiques régionales ainsi qu’avec l’Union africaine. []
Comme annoncé par le Premier ministre indien lors d’un point de presse avec tous les chefs d’État ou de gouvernement qui étaient invités, l’actuel gouvernement avait entamé la préparation de ce sommet Inde-Afrique depuis son accession au pouvoir au début de 2004. []
Enfin, je voudrais préciser que le titre de M. Anand Sharma est celui de ministre délégué au ministère des Affaires étrangères.
Alok Ranjan Jha, deuxième secrétaire (chargé des affaires politiques et de l’information), ambassade de l’Inde, Dakar, Sénégal

la suite après cette publicité

Réponse : Le titre de l’article incriminé – « L’ombre chinoise » – repose sur un jeu de mots mettant en lumière la compétition que se livrent l’Inde et la Chine (comme, du reste, de nombreux autres pays industrialisés) pour accéder aux matières premières du continent africain. Et ne porte en aucun cas un jugement de valeur comparatif sur la qualité des partenariats sino- et indo-africain, leur importance respective ou la force de leur ancrage dans l’Histoire. En revanche, il est vrai que nous avons commis une erreur à propos du titre de M. Anand Sharma, qui n’est pas secrétaire d’État aux Affaires étrangères comme nous l’avons écrit mais bien ministre d’État délégué au ministère des Affaires étrangères. Nous prions l’intéressé de bien vouloir accepter nos excuses.
Tirthankar Chanda

Branchés, mais pas raccordés
– Plusieurs millions d’Africains vivent sans eau potable ni électricité (voir dans ce numéro, pp. 24 à 29), mais possèdent un téléphone portable dont les frais d’achat et d’entretien sont plus élevés que leurs dépenses vitales. Les pays industrialisés ont développé les infrastructures de base avant celles des « nouvelles technologies de l’information et de la communication » (NTIC). N’est-il pas paradoxal d’être en mesure de surfer sur le Net alors qu’on n’a ni eau ni électricité à domicile ? Chaque matin, la première préoccupation de mes collaborateurs est de charger au bureau la batterie de leur portable, ce qui leur est impossible de faire chez eux. On suffoque partout, dans les taxis collectifs et à l’église. Même au travail, ceux qui ont pris des douches sommaires empestent comme des putois. Et lorsqu’ils montent en voiture, des collègues européens sont obligés d’ouvrir les vitres. Comment ces derniers pourraient-ils ne pas croire que tous les Noirs sentent mauvais ?
La BAD doit s’impliquer davantage dans ce dossier de manière à corriger les manquements de nos dirigeants qui multiplient les jets d’eau dans les villes, alors que des millions de foyers n’ont que des robinets secs – quand ceux-ci existent.
Jean-Marie Akpwabot, Bata, Guinée équatoriale

Elimane Fall, un témoin de son temps
– C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris la disparition d’Elimane Fall, éminent rédacteur en chef adjoint du Groupe Jeune Afrique. Il était un journaliste chevronné qui a consacré sa vie au service de l’information. Il était le témoin de son temps et un communicateur hors pair. Il relatait avec brio les grands événements du continent. Il était tout dévoué à son métier et assumait si bien le rôle de grand ambassadeur de l’hebdomadaire africain qu’est Jeune Afrique. Je voudrais en mon nom personnel ainsi qu’au nom du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) exprimer nos condoléances les plus attristées à chacun de ses pairs au sein du Groupe Jeune Afrique, à la direction et aux membres de la famille éplorée.
Adama Dieng, sous-secrétaire général des Nations unies, greffier du TPIR

La Chine, le Zimbabwe et l’hypocrisie occidentale
En constatant que Béchir Ben Yahmed avait consacré son Ce que je crois (voir J.A. n° 2466) aux présidents chinois et zimbabwéen, je me suis demandé si Jeune Afrique n’avait pas voulu à tout prix rester dans l’actualité. Personnellement, je n’ai aucune sympathie pour le président Mugabe. Mais ce n’est sûrement pas le plus mal classé dans la liste des présidents africains qui assoiffent silencieusement leur peuple sans que personne ne lève le petit doigt. Mugabe pouvait bénéficier de ce silence hypocrite s’il ne s’en était pas pris aux terres des Blancs. Tous les médias européens couvrent avec un intérêt particulier les élections au Zimbabwe. Au plus fort du génocide rwandais, on n’avait pas vu un tel engouement des médias occidentaux.
Et la Chine, cette rebelle ? Son crime principal est de s’être rapidement développée en marge de la sainte démocratie dont l’Occident fait la référence incontournable de toute politique économique. En outre, le problème du Tibet ne date pas d’hier, mais il est subitement devenu un prétexte pour s’attaquer à la Chine et ternir son image à la veille des jeux Olympiques de Pékin. L’édito de BBY n’est-il pas de trop dans le jeu hypocrite de l’Occident ?
René Wamkeue, professeur à l’Université du Québec, Canada

la suite après cette publicité

Réponse : Je vous remercie de votre réaction à mon éditorial du n° 2466 de J.A., intitulé « Deux dictatures ». Puisque vous lisez J.A. régulièrement et depuis longtemps, vous avez dû observer que nous ne pensons pas et n’avons jamais écrit que le président Mugabe est le pire des dictateurs africains. Nous pensons au contraire que plusieurs autres sont plus néfastes. Cet édito était plus sévère parce que le comportement récent (et actuel) de Robert Mugabe est encore moins acceptable que le fait de laisser l’économie de son pays à vau-l’eau : on ne brigue pas un nouveau mandat à 84 ans, après vingt-huit ans de pouvoir ; on passe la main ou, à tout le moins, on prépare sa succession.
Nous ne sommes pas non plus en désaccord avec la thèse que vous soutenez concernant la Chine. J’ai simplement rappelé, parce qu’on a tendance à ne pas l’écrire, que la Chine vit sous la dictature du Parti communiste, même s’il n’a plus de communiste que le nom. Si vous avez cru que mon article va trop « dans le jeu hypocrite de l’Occident », je regrette de vous avoir donné cette impression.
B.B.Y.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires