Nouvelle merveille du monde

La communauté internationale pourrait aider la Ville sainte du Sahara à renouer avec sa splendeur passée.

Publié le 18 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Anecdote révélatrice : au lendemain de sa venue à Cannes pour le sommet Afrique-France, le chef de l’État malien a fait escale le 17 février dernier à Montreuil, en région parisienne. Campagne électorale oblige, il est venu à la rencontre de la diaspora pour parler du canal de la télévision nationale malienne, désormais visible en Île-de-France. ATT n’a pu s’empêcher de terminer son discours sur un « Et vive Tombouctou ! ». Cette fierté malienne à l’endroit de la Cité des 333 saints n’a rien d’artificiel. Depuis la nuit des temps, le nord du pays est habité par la légende de l’empereur Kanka Moussa, dont le règne marqua l’apogée de l’Empire mandingue, au XIVe siècle, et plus généralement par le souvenir de sa grandeur passée. Or, cette année, les chances de Tombouctou d’être élue le 7 juillet prochain à Lisbonne, par un aréopage de personnalités culturelles, l’une des « sept nouvelles merveilles du monde » ne sont pas minces (voir encadré). « Une commission nationale animée par l’ancien ministre et historien Haidara Baba Aqib a même été mise en place par le gouvernement, c’est dire le sérieux de l’affaire », écrit dans son journal Annoura la figure locale de Tombouctou, le griot Ahmed el-Kori. Les historiens ont même réussi à reconstituer en trois jours les dix siècles de la Ville sainte pour mieux convaincre le jury. Une manifestation qui s’est traduite par l’exposition de manuscrits anciens et par des prestations théâtrales.
Cette ville de 32 000 habitants, qui en a compté jusqu’à 100 000 au XVe siècle, flanquée sur la boucle nord du fleuve Niger, jouit d’une indéniable notoriété. Certes des aventuriers européens du XIXe siècle, tels le Français René Caillé mais également l’Allemand Heinrich Barth et l’Anglais Alexander Gordon Laing, ont largement permis d’entretenir en Occident le mythe de Tombouctou. Mais c’est l’énigme scientifique qui entoure le contenu de ces quelque 30 000 manuscrits anciens qui donnent à la « Mystérieuse » le parfum sahélien du trésor enfoui. Près de quatre siècles après la disparition du savant Ahmed Baba, qui y résidait, Tombouctou cherche à renaître. Le premier signe est venu de l’Unesco en 1988 lorsque la communauté internationale décide d’inscrire le site sur la liste du Patrimoine mondial. Le deuxième quand s’y tint en 2005 la première session de l’Université ouverte des cinq continents où plus de deux cents étudiants de toute l’Afrique sont venus partager l’excellence des savoirs. Puis, l’année suivante, lorsque, fort de l’intérêt que lui porte le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, Tombouctou se voit désignée, en 2006, capitale de la culture islamique. Le monde arabo-berbère a alors les yeux braqués sur le Sahel, et découvre, incrédule, qu’une grande partie de son histoire passe par ce carrefour intellectuel et commercial foisonnant des sciences, de l’or et du sel.
Là, dans ces mosquées de Sankoré ou de Djingareiber, les oulémas ont laissé des traces. Des manuscrits prouvent en effet qu’à l’époque où l’Europe de Machiavel fécondait sa pensée sur le pouvoir, la « science politique » était déjà très largement enseignée à Tombouctou par des érudits qui en transcrivaient les principes, ses vices comme ses vertus. De la démocratie, comme du droit des femmes d’ailleurs. C’était hier. Aujourd’hui, tout ce « matériau » ne demande qu’à être traduit, protégé, valorisé. Alors que le touriste éclairé cherche désespérément de quoi satisfaire son appétit culturel sur le continent, il dispose ici de quoi comprendre beaucoup plus que l’islam, mais toute une civilisation. Malgré la présence d’une mission culturelle permanente relevant du ministère de la Culture, celle-ci ne dispose ni de moyens, ni de la tutelle de l’Institut Ahmed-Baba, temple des manuscrits anciens (mais entreprise publique léthargique) qui, lui, dépend du ministère de l’Éducation nationale ! Ainsi va la bureaucratie malienne. La maison de René Caillé, comme celle de Barth, tardent à retrouver leur lustre, faute de crédits. Seules les bibliothèques privées (en particulier celles d’Abdel Kader Haidara ou de Mahmoud Kati) sont bien entretenues et permettent à ceux qui veulent fouiller dans les entrailles de l’Histoire de le faire en toute quiétude.
La communauté internationale n’est pas ingrate, puisqu’en présélectionnant Tombouctou parmi trois cents nouvelles « merveilles » possibles à réhabiliter, elle donne la possibilité à l’Afrique de se distinguer tout en donnant au Mali une bonne occasion de réveiller sa mémoire.

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