Les damnés de Makala

Publié le 18 mars 2007 Lecture : 2 minutes.

Ce sont les oubliés du nouveau régime issu des urnes de la présidentielle, tout comme ils furent, en décembre 2005, les exclus de la loi d’amnistie générale votée par la précédente Assemblée nationale congolaise. Les complices présumés de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, condamnés par la Cour d’ordre militaire (COM) de Kinshasa et emprisonnés au Centre pénitentiaire et de rééducation (ex-prison de Makala), entament en ce mois de mars leur septième année de détention. Arrêtés début 2001 après le meurtre, le 26 janvier, de Kabila père et condamnés en janvier 2003 à l’issue d’un procès-fleuve dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas fait éclater la vérité sur cette affaire, ils se trouvent aujourd’hui dans une sorte de vide juridique absurde. La COM, juridiction dont les verdicts ne sont pas susceptibles d’appel, ayant depuis été dissoute sur heureuse décision de Joseph Kabila, aucun tribunal n’a repris en main cette « patate chaude ». Faute d’être payés par leurs clients exsangues, les avocats ont jeté l’éponge. Reste la demande de grâce présidentielle formulée par l’ensemble des condamnés et demeurée sans réponse depuis quatre ans.
Le cas le plus complexe – et le plus pénible – est évidemment celui des condamnés à mort : trente, dont dix par contumace. Une nuit d’octobre 2006, quatorze d’entre eux, essentiellement des militaires, se sont évadés de Makala, curieusement sans qu’aucune effraction ne soit constatée. Combien ont été repris ? Mystère. Toujours est-il qu’ils ne sont plus qu’une poignée, les têtes présumées du complot, à moisir en prison tout en clamant leur innocence. Parmi eux le chef, le colonel Eddy Kapend, ancien aide de camp de Laurent-Désiré Kabila. Mais aussi Constantin Nono Lutula, ex-conseiller spécial du « Mzee » à la sécurité, son adjoint Georges Leta et le général Yav Nawej. Quelques femmes aussi, dont Nelly Twite, la secrétaire particulière du président assassiné. Comme la quasi-totalité des détenus congolais, ils ne survivent que grâce à la nourriture et aux médicaments fournis par leurs familles – lesquelles tirent le diable par la queue, les biens des condamnés ayant été confisqués par décision de justice, puis redistribués au sein de l’armée congolaise. S’ils n’ont été ni torturés ni maltraités, aux dires de témoignages recueillis par J.A. auprès de leurs familles, tous souffrent de dépression et de crises de nerfs à répétition, qui débouchent parfois sur des tentatives de suicide. L’état de deux d’entre eux au moins, Nono Lutula et Yav Nawej, nécessiterait des soins urgents. Fort heureusement et même si la peine de mort est en principe toujours exécutoire en RD Congo, les damnés de Makala ne risquent plus de passer devant un peloton, quatre ans après la sentence. Le problème est que leur procès ne sera sans doute jamais révisé. Une situation kafkaïenne que seule pourrait trancher une mesure de grâce signée Joseph Kabila.

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