Ankara propose ses bons offices

Recep Tayyip Erdogan espère jouer ?un rôle de modérateur dans la crise du nucléaire iranien et faciliter le dialogue entre Damas et Tel-Aviv.

Publié le 18 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

« Nous nous parlons souvent La Turquie représente un pont important entre Israël et les pays musulmans, nous apprécions ses avis », confiait Ehoud Olmert, le 15 février, à l’occasion de sa première visite à Ankara en tant que chef du gouvernement israélien.
Cette visite, précédée en mai 2006 de celle de la ministre israélienne des Affaires étrangères Tzipi Livni (qui avait choisi la Turquie pour son premier déplacement à l’extérieur), confirme le retour à des relations plus sereines après plusieurs mois de flottement, voire d’irritation réciproque. Elle s’est accompagnée de deux gestes concrets. Tout d’abord, après que le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan eut critiqué les fouilles archéologiques et les travaux entrepris par l’État hébreu à Jérusalem aux abords de l’esplanade des Mosquées, troisième Lieu saint de l’islam, Olmert a autorisé une délégation turque composée d’un architecte, d’un ingénieur et d’un historien à se rendre sur le chantier controversé.
Ensuite, Olmert a assuré Erdogan de son soutien au moment où Ankara bataille pour éviter qu’une résolution du lobby arménien qualifiant de génocide les massacres perpétrés en 1915 sous l’Empire ottoman soit discutée à la Chambre des représentants à Washington. Selon le quotidien turc Zaman, Olmert aurait promis d’alerter les « contacts directs » d’Israël aux États-Unis pour qu’ils interviennent dans le dossier. Mais il est vrai que dans cette affaire, bien au-delà de l’influence personnelle du Premier ministre israélien, le lobby juif américain constitue depuis longtemps un allié de poids pour la Turquie.
De même, et malgré quelques frictions récentes, la bonne entente entre les deux pays ne s’est jamais démentie. La Turquie, qui a accueilli de nombreux juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, a reconnu l’existence de l’État hébreu dès sa création en 1948. Cette amitié inédite entre Israël et ce grand pays musulman, encouragée par Washington, est « gérée », côté turc, par la puissante institution militaire. Ainsi, en 1996, un traité de coopération militaire avait été imposé à Necmettin Erbakan, le Premier ministre islamiste de l’époque, par un état-major désireux de moderniser son armée et de renforcer la coopération entre les services de renseignements – MIT turc et Mossad israélien. Ce qui avait provoqué un tollé dans les pays arabes et en Iran.
Cette relation privilégiée s’est refroidie après la victoire du Parti de la justice et du développement (AKP), issu de la mouvance islamiste, aux législatives de novembre 2002. Certes, un an plus tard, après que des attentats eurent frappé deux synagogues à Istanbul, Erdogan s’était rendu au chevet des victimes de confession juive, avant d’envoyer son ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül en Israël et de s’y rendre à son tour en mai 2005. Mais il n’hésite pas à se montrer critique à l’égard de l’État hébreu pour satisfaire sa base et son opinion, l’une et l’autre solidaires du peuple palestinien. Ainsi, il avait qualifié de « terrorisme d’État » les « assassinats ciblés » perpétrés par les Israéliens, en mars et avril 2004, contre Cheikh Yassine, le leader du Hamas, et son successeur Abdelaziz al-Rantissi, puis, en mai, les incursions de Tsahal dans la bande de Gaza, allant jusqu’à rappeler pour consultation son ambassadeur. En février 2006, la visite d’une délégation du Hamas à Ankara à l’invitation de cadres du parti AKP avait provoqué la colère des Israéliens.
Mais c’est surtout la guerre d’Irak, très impopulaire en Turquie, qui a conduit Ankara à prendre ses distances avec Israël, la « coopération » des services israéliens avec les Kurdes d’Irak du Nord ayant été jugée particulièrement inamicale. Les velléités d’indépendance kurdes et l’instabilité régionale alarment à tel point la Turquie qu’elle s’est rapprochée de ses ennemis d’hier, l’Iran et la Syrie, qui surveillent de près, eux aussi, leur minorité kurde.
Erdogan multiplie ainsi les échanges avec le président Ahmadinejad, espérant jouer un rôle de modérateur dans la crise du nucléaire iranien. S’il en a bien sûr été question au cours de la visite d’Ehoud Olmert (qui précédait, justement, celle du chef de la diplomatie iranienne), le Premier ministre turc a surtout proposé de faciliter le dialogue d’Israël avec les Palestiniens et avec la Syrie.
Une offre à laquelle Ariel Sharon avait opposé en 2004-2005 une fin de non-recevoir, mais qu’un Olmert affaibli politiquement semble prendre beaucoup plus au sérieux. Erdogan, qui s’est porté garant de la bonne volonté de Bachar al-Assad, avec qui il entretient des relations cordiales, a promis de contacter rapidement ce dernier pour aboutir à des résultats concrets. Affaire à suivre

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