Aide à l’Afrique : un calendrier, vite !

Publié le 18 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

L’Allemagne peut apporter une importante contribution au développement de l’Afrique lorsqu’elle recevra, en juin, les pays du G8, non pas en faisant de nouvelles promesses, mais en garantissant que l’on tiendra celles qui ont déjà été faites. La plus importante est l’engagement pris en 2005 par le G8 de doubler l’aide à l’Afrique en la portant de 25 milliards de dollars en 2004 à au moins 50 milliards en 2010. Désormais, le G8 doit fixer le calendrier de l’accroissement de l’aide pour chaque destinataire de sorte que des pays africains puissent planifier et entreprendre les investissements pluriannuels dont dépend leur développement à long terme.
Les gouvernements africains ont été explicitement encouragés à accroître leurs investissements dans la lutte contre la maladie, l’eau, les conditions sanitaires, les routes, l’énergie, les écoles, les hôpitaux… On leur a conseillé de promouvoir la gratuité en matière d’éducation et de santé. On leur a dit que l’aide aura doublé en 2010. Mais on ne leur a pas dit comment, quand et où cet accroissement interviendra.

Les gouvernements africains ne peuvent pas faire de projets même à un an ou deux, et encore moins pour 2015, année où ils devraient avoir réalisé les Objectifs du millénaire pour le développement. Les investissements publics dans la santé, l’éducation et les infrastructures en sont la condition sine qua non. La vie des enfants est préservée par des investissements sanitaires préventifs. Ils peuvent apprendre quand il y a des enseignants bien formés, des classes et des repas de midi à l’école. Les économies de marché peuvent prospérer quand des routes carrossables, des réseaux électriques et des ports fonctionnels permettent à un pays de défendre ses chances sur les marchés mondiaux. Chacune de ces étapes fondamentales exige des programmes pluriannuels pour les investissements matériels, la formation d’ouvriers qualifiés et l’organisation de systèmes de management. Ces investissements pratiques ne peuvent pas être financés par les pays africains tout seuls – d’où les promesses d’aide. C’est déjà ça. Mais les investissements exigent aussi un calendrier, des stratégies et une planification pluriannuelle.
Or on n’a proposé aucun planning aux pays africains pour leur indiquer comment leur quote-part d’aide augmenterait pour atteindre le niveau prévu en 2010. Dans certains pays, on a fait savoir aux destinataires de l’aide au développement américaine que, sauf pour le sida et le paludisme, cette aide serait réduite, car les dollars sont dépensés pour l’Irak.
On peut comprendre que les ministres des Finances du G8 veuillent garder un maximum de souplesse sur le timing et la répartition de l’aide, mais cette conception de l’aide au développement finit par donner le contraire du résultat recherché. Au lieu d’un processus rationnel d’augmentation des investissements nécessaires, nous avons un jeu de devinettes. L’aide sera-t-elle doublée ou pas ? Sera-t-elle doublée par une astuce comptable (par exemple, en annulant une dette irremboursable et en qualifiant de dollars d’aide les dollars d’annulation de dette), ou bien s’agira-t-il d’une attribution effective d’argent et de produits ? L’aide arrivera-t-elle sous la forme de commissions pour des consultants richement payés ou de fonds destinés à des investissements pratiques ? L’augmentation arrivera-t-elle en 2010 ou par petits coups ?
L’arithmétique de base est claire. Le sud du Sahara compte environ 725 millions d’habitants, qui devraient être environ 778 millions en 2010. On peut penser qu’il y a environ 150 millions d’habitants dans les pays qui n’auront pas droit à beaucoup d’aide (mauvaise gouvernance, absence de projets, besoins plus faibles). Quelque 625 millions de Subsahariens se partageraient donc en 2010 la plus grande partie des 50 milliards de dollars ou davantage d’aide. Ce serait environ 80 dollars par personne dans les pays bien gouvernés. Cette augmentation devrait être prévisible. Le FMI pourrait alors utiliser l’aide programmée pour fixer avec les pays des cadres de dépenses à moyen terme dans les secteurs du social et de l’infrastructure.

la suite après cette publicité

L’Allemagne pourrait légitimement persuader les autres membres du G8 qu’une telle budgétisation claire et transparente est la marque d’une bonne gouvernance des pays donateurs. Le G8 pourrait ainsi inspirer une grande confiance aux pays africains et les convaincre que les promesses seront tenues. En outre, on pourrait vraiment se mettre au travail pour augmenter les investissements destinés à sauver des vies et à promouvoir la croissance qui sont de la responsabilité première du secteur public – une responsabilité qui serait enfin assumée par les deux parties de la relation donateur-destinataire. ¦
© Financial Times et Jeune Afrique 2007.
Tous droits réservés.

*Économiste américain, directeur de l’Institut de la Terre à l’université Columbia, à New York.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires