Scénario cauchemar

Publié le 18 février 2007 Lecture : 3 minutes.

Certes, le pire n’est pas sûr. Surtout lorsque, à longueur de colonnes et de plateaux télévisés, tous les spécialistes répètent à l’envi qu’une telle initiative serait une erreur catastrophique, un désastre aux conséquences incalculables.
Certes, les bruits de bottes, les déclarations martiales et le déploiement dans le Golfe d’un deuxième groupe d’attaque naviporté ne sont sans doute pas autre chose qu’une gesticulation, tout au plus un avertissement.
Certes, il reste quand même assez de bon sens à l’administration Bush pour éviter l’irréparable : un assaut contre l’Iran et une répétition, en pire, de la débâcle irakienne. Tout cela, chacun le sait en croisant les doigts. Mais pourquoi, malgré tout, persiste-t-il un doute sur les intentions en ce domaine des docteurs Folamour de la Maison Blanche ?
Éditorialiste à l’International Herald Tribune, Paul Krugman croit avoir trouvé la réponse. Un exécutif, écrit-il, dont le vice-président, Dick Cheney, soutient sans rire que l’invasion américaine de l’Irak a été « un énorme succès » est capable de tout, parce qu’il n’habite pas la même planète que le commun des mortels.
Et Krugman d’énumérer, pour notre plus grande inquiétude, les signes avant-coureurs du cauchemar. Calqué sur le modèle du « Bureau Irak », cette usine toxique qui produisit à la chaîne de faux prétextes pour justifier l’offensive contre le régime de Saddam Hussein, un « Iran directorate » est ainsi à l’uvre depuis 2006 au sein du Pentagone. Sous la houlette du même spécialiste, Abram Shulsky, l’une des âmes damnées de Donald Rumsfeld.
Cette fois, le motif pour agir n’est pas la détention par Téhéran d’armes de destruction massive – il faudrait, dans ce cas, une déclaration de guerre en bonne et due forme, à laquelle le Congrès s’opposerait inévitablement -, mais la menace que les Iraniens feraient peser, dit-on à Washington, sur la sécurité des soldats américains en Irak.
Avantage de ce tour de passe-passe : le Congrès a déjà adopté une résolution autorisant l’administration à user de tous les moyens pour protéger les GI’s et stabiliser l’Irak. Attaquer l’Iran dans ce cadre ne serait dès lors qu’un prolongement et un complément des opérations menées en Irak. D’où les efforts actuels déployés par les porte-parole du Pentagone pour mettre en exergue l’aide iranienne aux milices chiites et pour minimiser celle (financière) que l’allié saoudien apporte aux insurgés sunnites, pourtant infiniment plus dangereux pour le corps expéditionnaire américain.
Dans le même but, l’envoi dans le Golfe d’un second porte-avions multiplie les risques d’incidents – et donc de casus belli – avec l’armée iranienne. Déjà testée pendant la guerre du Vietnam avec le fameux incident du golfe du Tonkin, cette stratégie de la provocation est loin d’être un fantasme de pacifiste. Si l’on en croit le New York Times, George W. Bush aurait ainsi explicitement évoqué cette hypothèse lors d’une rencontre avec Tony Blair en janvier 2003 – il s’agissait alors de susciter un clash avec Saddam Hussein : « Le président a passé en revue diverses manières de provoquer une confrontation, dont celle qui consisterait à repeindre des avions de l’US Air Force aux couleurs de l’ONU dans l’espoir qu’ils seraient abattus par les Irakiens. »
On croit rêver. Mais ce rêve est américain et, tant que George W. Bush sera aux commandes, mieux vaut se préparer au pire.

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