Mort du chef rebelle angolais Jonas Savimbi

Publié le 18 février 2007 Lecture : 3 minutes.

Vendredi 22 février 2002. Depuis l’aube, la 20e brigade de l’armée angolaise, conduite par le général Simão Carlitos Wala, traque trois colonnes de combattants de l’Union pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita), le mouvement rebelle de Jonas Savimbi. L’opération, baptisée Kissonde, se déroule sur les rives du fleuve Luvuei, dans la province de Moxico, à l’est de l’Angola. Elle entre dans le cadre de la « guerre totale » déclenchée depuis 1998 par le président José Eduardo dos Santos contre la rébellion. Quatorze jours auparavant, les forces gouvernementales ont réussi à localiser, grâce aux informations fournies par des experts en télécommunications américains et israéliens, les positions de l’Unita. Savimbi a commis l’erreur d’appeler à partir de son téléphone satellitaire. Le général Wala peut dès lors préparer une embuscade.

Les combats engagés à l’aube prennent de l’ampleur. Le leader de l’Unita tente une manuvre de diversion. Il ordonne à la première colonne de se diriger vers la confluence des fleuves Luvuei et Luoli. La deuxième, elle, gagne l’intérieur des terres. Vraisemblablement, Savimbi n’a plus qu’une option : prendre le chemin de la Zambie. La frontière est à une centaine de kilomètres. Mais l’armée gouvernementale ne cesse de progresser, imposant à l’ennemi un corps à corps insoutenable. Les cordons de sécurité disposés autour du quartier général du chef de l’Unita ne résistent pas longtemps au feu nourri des forces loyales. Savimbi n’a plus qu’une vingtaine de gardes du corps autour de lui. L’un après l’autre, ils sont abattus. Le piège se referme. Dans un dernier sursaut, le chef rebelle, armé d’un revolver, tire quelques coups de feu en direction des assaillants. Mais la réplique est terrible : quinze balles dans son corps. C’est la fin. Il est près de 15 heures.
Jonas Malheiro Savimbi, mort à l’âge de 67 ans, a écrit, avec ses frères ennemis du pouvoir, l’une des pages les plus sanglantes de l’histoire angolaise du XXe siècle : vingt-sept ans de guerre civile, 500 000 morts, 4 millions de déplacés et 100 000 mutilés. Fils d’un chef de gare, il est parmi les rares Angolais à obtenir, dans les années 1950, une bourse lui permettant de suivre des études au Portugal. Il rêve de devenir médecin. Mais il n’ira pas jusqu’au bout. Engagé dans la lutte pour l’indépendance de son pays, Savimbi rejoint dans un premier temps le Front national de libération de l’Angola (FNLA) de Holden Roberto qu’il quittera en 1966 pour fonder l’Unita.
Après l’indépendance du pays, en 1975, et la défaite militaire du FNLA face au Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) soutenu par l’intervention de l’armée cubaine, l’Unita s’impose comme la seule opposition armée. Et devient pendant la guerre froide une pièce maîtresse dans le jeu des grandes puissances. L’ancien maoïste, qui entend contrer l’avancée communiste symbolisée par la présence de troupes cubaines en Angola, est reçu, en 1986, avec tous les honneurs à la Maison Blanche par le président Ronald Reagan et plus tard par son successeur George H. Bush. Pendant toutes ces années, Savimbi n’a qu’une ambition : prendre le pouvoir à Luanda. Chef charismatique, lourdement armé par ses alliés occidentaux, il parvient à contrôler une grande partie du territoire angolais et installe son quartier général à Huambo, au centre du pays.

la suite après cette publicité

En 1991, un accord de paix est signé à Bicesse (Portugal). Le chef rebelle regagne la capitale angolaise et participe à l’élection présidentielle de 1992. Il conteste la victoire de José Eduardo dos Santos (MPLA) et reprend les armes. Mais au fil des années, Savimbi perd, au nom de la Realpolitik, tous ses soutiens. Seul Mobutu Sese Seko, le président du Zaïre, dont il utilise le pays comme base arrière, lui reste fidèle. Le « Grand Léopard » est chassé du pouvoir en 1997. Le numéro un de l’Unita ne s’en remettra jamais.
La mort de Jonas Savimbi opère toutefois un miracle en Angola : ses partisans, à bout de forces, acceptent la main tendue par le pouvoir. S’ensuit un processus de réconciliation nationale, suivi de l’intégration d’une bonne partie des anciens rebelles dans l’armée gouvernementale. L’Unita, sans leader emblématique, n’a plus qu’un faible poids politique. Mais les élections promises par le MPLA au pouvoir pour renforcer la démocratie se font toujours attendre. Les armes, elles, semblent s’être définitivement tues.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires