Un danger qui vient de l’intérieur
La catastrophe écologique ivoirienne ne doit pas cacher les risques sanitaires posés en Afrique par l’utilisation quotidienne de produits chimiques et par le déficit d’infrastructures pour l’élimination des déchets dangereux. D’autant qu’aucune campagne d’information sérieuse ne vient attirer l’attention des populations sur les précautions à employer pour éviter des contaminations. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime, entre autres menaces, que les pesticides obsolètes causeraient 20 000 morts par an dans les pays en développement et auraient des conséquences sérieuses sur la santé de 3 millions de personnes (cancers, malformations à la naissance, etc.).
Depuis la fin des années 1990, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et la Banque mondiale tentent d’améliorer le stockage de ces pesticides périmés. Sur le continent, environ 50 000 tonnes de ces produits menaceraient gravement la santé de plusieurs centaines de milliers de personnes. « Au vu de la difficulté d’obtenir des informations sur les stocks de vieux pesticides, on peut dire qu’il y en a en réalité presque 100 000 tonnes en Afrique », estime Mark Davis, le coordinateur du programme de lutte contre les pesticides obsolètes à la FAO.
Les conteneurs dans lesquels ils sont stockés sont abîmés par le temps et commencent à fuir. Ils avaient certes été placés avec soin en dehors des villes il y a une vingtaine d’années, mais ces dernières se sont largement étendues et certains bidonvilles se sont bâtis à proximité des cuves en mauvais état. Dans le nord du Mali, par exemple, elles avaient été remisées dans les années 1980 en plein désert, loin de toute habitation. Lors de la rébellion du début des années 1990, les tirs ont perforé les conteneurs, desquels continuent aujourd’hui de s’écouler des tonnes de déchets toxiques qui menacent les nomades. Comme ailleurs, ces produits chimiques – d’autant plus dangereux qu’ils ont été élaborés avec de vieilles technologies – contaminent les sols, l’eau, l’air et les productions agricoles.
« Ces pesticides périmés menacent l’Afrique d’une catastrophe sanitaire tout aussi importante que celle que vit Abidjan aujourd’hui », assure Mark Davis. Peut-être même pire, car le phénomène est peu médiatisé, mal géré par les gouvernements et inconnu des populations directement menacées.
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