11 Septembre : la revanche américaine
Oliver Stone, curieusement, pour réaliser le premier film destiné au grand écran et au grand public qui a pris pour sujet central les attentats contre les deux tours du World Trade Center, nous invite à rester près de vingt-quatre heures (d’après le scénario) et plus de deux heures (pour le spectateur) dans leur sous-sol. Donc précisément là où on ne peut pas assister, pour l’essentiel, à ce qui s’est passé en ce jour du 11 septembre 2001. Ni d’un point de vue purement événementiel – on verra à peine l’effondrement des tours, la panique puis la stupeur que cela provoque à l’intérieur comme à l’extérieur des bâtiments – ni, encore moins, d’un point de vue « politique » – les réactions des autorités, du maire de New York à George Bush, les spéculations sur les auteurs de l’attaque terroriste, etc.
Ce que raconte World Trade Center – malgré ce titre vendeur -, c’est l’odyssée qu’ont vécue ce jour-là deux sauveteurs policiers de la Port Authority de New York. Le temps qu’ils récupèrent du matériel anti-incendie, alors qu’ils sont encore au sous-sol, la première tour s’effondre, les ensevelissant au milieu de tonnes de gravats. On vivra ensuite, pendant que des débris menacent à tout moment de les écraser, leur longue attente de très hypothétiques secours alors même qu’ils sont blessés grièvement et incapables de bouger.
Le parti pris de raconter une histoire presque « intimiste » et de choisir des personnages principaux qui ressemblent fort à des citoyens lambda pourrait rassurer face à un tel sujet, qui se prêtait à toutes les dérives sensationnalistes. D’autant que le scénario n’a fait que retranscrire assez fidèlement une histoire vraie, celle du sergent John McLoughlin et de l’officier Will Jimeno, deux miraculés du 11 Septembre, conférant au film une portée documentaire incontestable, loin de ces reconstitutions romancées qui flattent le spectateur en le poussant à s’identifier à des stars ou à épouser la cause qu’elles défendent.
Hélas, le (très) relatif aspect minimaliste de World Trade Center, interdisant l’emploi des bonnes vieilles recettes du film catastrophe, conduit surtout à provoquer un certain ennui – malgré le suspense qu’on tente laborieusement d’entretenir. Et il n’a aucunement conduit le réalisateur, contrairement à ses propres déclarations (« ce film n’a rien de politique »), à éviter de tomber dans la geste héroïque et édifiante. Les protagonistes ont beau être des gens ordinaires, ils se transforment vite en héros : solidarité à toute épreuve, courage hors du commun, à peine de très courts moments de doute quant à leur survie Pis : l’irruption de quelques personnages secondaires fait dériver in fine le film vers une ode au patriotisme revanchard pour le moins simpliste. Comme ce militaire réserviste de la banlieue de New York, venu sur les lieux avec son bel uniforme de marine dès qu’il a appris l’attentat perpétré par « ces salauds », qui sauvera les deux policiers alors que les secours avaient été interrompus. Une fois son « exploit » accompli, il crie immédiatement à la vengeance et, nous explique-t-on juste avant le générique de fin, finira par se réengager dans l’armée pour aller combattre en Irak.
L’auteur autrefois remuant et non conventionnel de Platoon, de Salvador ou de JFK a reçu les félicitations du très pro-Bush Cal Thomas de Fox News : « Un des films les plus pro-Américains, pro-famille, pro-foi religieuse, criant God bless America, que vous ne verrez jamais. » Il ne s’est hélas pas trompé.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus
- À Casablanca, la Joutia de Derb Ghallef en voie de réhabilitation
- Mali, Burkina, RDC, Afrique du Sud… Haro sur le néocolonialisme minier !
- Gabon : 10 choses à savoir sur la première dame, Zita Oligui Nguema
- Sénégal : à quoi doit servir la nouvelle banque de la diaspora ?
- En RDC, la nouvelle vie à la ferme de Fortunat Biselele