Les cheveux des milliardaires

Publié le 17 septembre 2006 Lecture : 2 minutes.

On parle souvent de développement, de croissance, d’expansion économique Tous ces termes économiques abscons signifient au fond une seule chose : on a tous envie de disposer de plus de trucs, de gadgets et de bidules qui font bip. Mais n’y a-t-il pas un risque, qui est celui d’arriver au point où « plus de richesse » signifie plus de tracas et de soucis ?
Il ne s’agit pas ici du banal « l’argent ne fait pas le bonheur ». Je ne veux pas parler non plus des soufis de tout poil qui tournent le dos à l’enrichissement matériel pour se consacrer à la vie intérieure. En fait, ce dont il s’agit dans cette chronique, c’est de cheveux. Oui, oui, de cheveux et de leur rapport avec la richesse.

Cette semaine, j’étais à Francfort en Allemagne pour une conférence, en provenance de Tanger. En ouvrant ma trousse de toilette, à l’hôtel, je me suis aperçu que j’avais oublié de prendre de la crème pour cheveux, vous savez ce truc à 10 dirhams qu’on achète chez l’épicier et qu’on met sur ses cheveux après la douche, quand on a le malheur d’avoir les cheveux trop secs.
Bref, je me dis : pas de problème l’ami, tu vas en ville et tu te procures ta crème à 10 dirhams. Or je ne sais pas si vous connaissez Francfort, mais cette ville est assez extraordinaire : elle est obscènement riche. C’est le siège de la finance allemande, il y a des dizaines de gratte-ciel plus hauts les uns que les autres, les trottoirs sont immaculés et dans les parkings la voiture la plus minable est la Mercedes 300
Je rentre dans des boutiques, ce type de boutique où le sourire de la vendeuse vous coûte déjà 20 euros, mais nulle part, ils n’ont ma crème très simple. Ils ont des trucs extrêmement compliqués, des marques de renommée mondiale, des gélatines avec des modes d’emploi de trois pages. Évidemment, j’explique que je veux du gras très simple pour cheveux secs, un truc à 10 dirhams, mais c’est trop ordinaire, ils n’ont plus cela depuis Attila le Hun.

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Après des heures, complètement fourbu, j’accepte tout, on me refile une crème qui vaut une fortune, mais qui, selon la vendeuse, contient des molécules qui se souviennent de la forme de vos cheveux. Ces molécules, il fallait les acheter pratiquement une par une, vu le prix ahurissant du flacon. Mais au moins est-ce que le truc marche ? Pas du tout. En tout cas, pas mieux que si j’avais mis tout simplement du beurre rance dans mes cheveux. On aurait dit que je portais une perruque et j’avais l’impression, pendant la conférence, que tout le monde regardait sur mon crâne les molécules s’agiter dans tous les sens. Je me mis à bégayer. Un désastre.
Et c’est là que je voulais en venir. À quoi ça sert de devenir aussi riche que les gens de Francfort si on ne peut même plus acquérir les choses les plus simples ? En tout cas, la prochaine fois que je serai dans un pays du Maghreb, j’achèterai des dizaines de tubes de ma crème à dix balles. Acheter des choses simples et consacrer son temps à autre chose qu’à faire du shopping, c’est peut-être ça la vraie richesse.

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