Le chika nouveau est arrivé

Publié le 17 septembre 2006 Lecture : 2 minutes.

« Chika, chika, aïe, aïe, aïe », chantait Luis Mariano. Prémonitoire, puisque le virus chika (chikungunya) est devenu très agressif à la Réunion. La première vague épidémique s’est produite en saison chaude de mars à septembre 2005. Le nombre de cas a été au maximum de 459 par semaine. La maladie présentait ses caractères habituels. La démoustication a été ciblée autour de chaque cas. En septembre 2005 persistaient environ 80 cas par semaine. On a pensé que l’hiver austral réduirait la population de moustiques et arrêterait l’épidémie. Mais…

En décembre 2006, au retour de la chaleur, explose une deuxième vague épidémique sous une forme extensive : d’emblée jusqu’à 1 000 cas par semaine et jusqu’à un maximum de 45 000 par semaine deux mois plus tard. En outre, on observe des formes graves (une vingtaine par semaine) et des décès. Des bébés naissent contaminés. La mobilisation des personnels et des moyens de l’île et l’aide ?de la métropole permettent une régression à partir ?de mars 2006. Cependant persistent encore 1 000 cas par semaine avant l’arrivée de l’hiver austral.
L’épidémie de la Réunion a révélé des aspects inattendus de la maladie.
Pourquoi l’épidémie a-t-elle présenté un caractère explosif ? Peut-être parce que, en l’absence d’épidémies récentes, la population était peu ou pas immunisée. Il est possible aussi que le virus ait subi quelque modification génique majorant son agressivité. De plus, la lutte antimoustique disposait de moyens réduits depuis la disparition du paludisme en 1979. On avait oublié que la Réunion reste une île tropicale, même si l’environnement sanitaire est développé. Seulement 40 personnes étaient affectées à la lutte antivirale : il en a fallu 1 550 pour maîtriser l’épidémie (épandage d’insecticides par véhicule et destruction des gîtes larvaires par des « brigades à pied »). Ces personnels se sont parfois heurtés à des habitudes acquises et à des opposants à l’emploi d’insecticides.
Autre surprise : l’apparition de complications graves ayant entraîné la mort d’un malade sur 1 000 environ. En outre, les douleurs invalidantes ont été prolongées parfois plusieurs mois. S’agit-il encore d’une agressivité majorée du virus ? La transmission du virus de la mère à l’enfant a été une donnée inquiétante. On peut penser que cette transmission avait échappé à l’observation dans des épidémies autrefois très limitées. Surprise encore : le moustique Aedes albopictus s’est révélé être le vecteur principal. La diffusion de ce moustique constitue un réel danger : on le trouve sur tous les continents, y compris en Europe, dans les pays méditerranéens. Sa capacité de nuisance est grande puisqu’il peut transporter de nombreux virus (dengue, West Nile, encéphalite, fièvre jaune, etc.)

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Quel est l’avenir de chika à la Réunion ? Y aura-t-il une troisième vague épidémique en fin d’année 2006 ? Tout dépend de la lutte publique antimoustique, du traitement des déchets et de l’assainissement. Plus importante encore est la lutte familiale contre les gîtes larvaires, c’est-à-dire les collections d’eau stagnante autour des maisons (pots de fleurs, boîtes de conserve, troncs d’arbre, plantes engainantes, vieux pneus). L’avenir dépendra aussi des études virologiques, déjà bien entreprises. Et de la recherche d’insecticides adaptés.

* Membre correspondant de l’Académie de médecine (France), doyen honoraire de la faculté de médecine d’Abidjan.

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