Fin d’un tabou

Publié le 17 septembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Le ministère français de l’Éducation nationale a donné son accord à l’Institut national d’études démographiques (Ined) pour la réalisation d’une étude intitulée « Intégration des secondes générations en Europe ». L’Ined va interroger 750 personnes à Paris et à Strasbourg : 250 nées en France dont un parent est natif du Maroc, 250 dont l’un des parents est né en Turquie et 250 dont les deux parents sont nés en France. Le tri est effectué sur la base des noms et prénoms tirés de l’annuaire téléphonique. Une analyse linguistique permettant de déduire l’origine nationale.
L’Ined a obtenu l’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), malgré l’interdiction, aux termes de la loi du 6 janvier 1978, de « collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître les origines raciales ou ethniques ». La commission évoque « l’intérêt public », dans la mesure où l’étude va contribuer à remédier à l’insuffisance des données dont doivent disposer les pouvoirs publics pour lutter contre les discriminations. Les entretiens porteront sur une large palette de sujets, allant du logement à la religion en passant par la « répartition des tâches au sein du ménage », la construction identitaire et même la vie sexuelle.
Héritage de l’histoire de l’esclavage, de la colonisation et du régime de Vichy, le tabou du comptage ethnique est malmené depuis ?les années 1990 par plusieurs politiques, parmi lesquels Nicolas Sarkozy, mais aussi par des démographes, dont Michèle Tribalat, directrice de recherche à l’Ined. En 1995, elle étudie l’intégration en utilisant deux critères : « l’appartenance ethnique », qu’elle définit à partir de la langue maternelle, et « l’origine ethnique », fondée sur le lieu de naissance. On lui reproche alors de « flatter le vieux fond ethnique » de l’extrême droite. « Il n’y a rien de dramatique à se demander combien il y a de Kabyles en France, se défend-elle. En démontrant qu’il s’agit d’un groupe minoritaire parmi les Algériens, l’enquête a permis de démystifier l’idée reçue qui opposait l’assimilation des Kabyles à la piètre intégration des Algériens. » Azouz Begag, ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances, n’en pense pas moins : « Comment l’État peut-il transformer la réalité sociale s’il ne la connaît pas ? » À l’inverse, le sociologue Patrick Weil craint que cette prise en compte de l’ethnie « ne racialise les questions sociales et ne conforte les anciens préjugés ».

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