Comment prévenir les guerres du pétrole

Publié le 17 septembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Il se consomme dans le monde 84 millions de barils par jour (b/j). Mais en raison de la demande accrue – du fait de l’accélération de la croissance économique en Chine, en Inde et dans d’autres pays -, le département américain d’information sur l’énergie a estimé les besoins à 121 millions de b/j en 2025. Pourtant, il sera impossible de répondre à une augmentation de la demande de près de 50 % dans vingt ans, comme le déclarait récemment le responsable de la branche exploration de Total : « Un volume de 120 millions de barils/jour ne pourra jamais être atteint. »

D’abord, il n’y a pas assez de pétrole disponible. Durant la dernière décennie, le monde a consommé environ 24 milliards de barils par an, mais on n’a découvert en moyenne que moins de 10 milliards de barils de plus chaque année. Ensuite, même si le pétrole était disponible, les coûts induits par son extraction et son acheminement seraient prohibitifs. Ainsi, selon le bilan mondial 2005 sur l’énergie, les investissements nécessaires seraient de l’ordre de 17 000 milliards de dollars, soit une fois et demie le PIB américain. Enfin, les infrastructures requises ne peuvent être construites qu’à des coûts exorbitants.
Dans les vingt prochaines années, la dépendance de l’Occident à l’égard des principaux pays producteurs du Golfe – Iran, Irak, Arabie saoudite, Koweït et Émirats arabes unies – va pratiquement doubler, dans la mesure où la part de ces pays dans la production pétrolière mondiale passera d’un quart à près de la moitié. Avec la Russie et le Venezuela, ils devraient représenter plus de 60 % de la production mondiale de pétrole en 2025. Quant à la production des pays hors Opep, elle se rapproche de son pic et de son inévitable déclin. Lorsque, en 2010, l’Opep ne pourra plus répondre à une demande croissante, elle sera moins apte à réagir aux fluctuations à court terme. Les brusques variations des prix et leur volatilité seront inévitables, ce qui rendra nécessaire le contrôle de la demande mondiale.

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En prévision de cette crise annoncée, il existe trois solutions. La première serait de casser la demande. La deuxième, de trouver les produits de substitution – combustibles fossiles, sources d’énergie renouvelables – et de faire des économies d’énergie, mais rien n’indique qu’on s’engage sur cette voie. La troisième, plus vraisemblable mais de court terme et contre-productive, serait d’exploiter aveuglément des gisements pétroliers en constante diminution, ce qui est le cas aujourd’hui.

Le général John Abizaid, patron du Commandement central américain (Centcom), a déclaré, en mars, devant une commission du Congrès que les forces américaines pourraient être obligées de prolonger indéfiniment leur présence en Irak à cause du pétrole. De leur côté, la Chine, l’Inde, la Russie et l’Iran ont signé, ces dernières années, des accords dans le domaine énergétique évalués à quelque 500 milliards de dollars et posé les jalons d’un club énergétique asiatique disposant de son propre réseau d’oléoducs et de son marché énergétique. L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) regroupe déjà la Chine et la Russie, et envisage de proposer à l’Iran, à l’Inde et au Pakistan de les rejoindre. L’objectif est manifestement de contrecarrer les manuvres américaines destinées à mettre ?la main sur les ressources énergétiques de la mer Caspienne. L’OCS est ainsi en passe de devenir ?une organisation qui s’opposera aux ambitions géopolitiques des États-Unis.

La question du gaz est tout aussi inquiétante. Le renforcement des liens entre la Russie et l’Algérie fait craindre que les récents contacts entre le russe Gazprom et Sonatrach, la société publique algérienne, ne soient le premier pas vers la formation d’un cartel algéro-russe du gaz naturel. Une alliance entre les trois ou quatre principaux pays exportateurs de gaz naturel – probablement plus efficace que l’Opep – serait un cauchemar pour les marchés mondiaux.
Nous sommes à un tournant de l’Histoire. Jamais une ressource aussi fondamentale que le pétrole n’avait connu pareil déclin sans que l’on ait en vue un produit de substitution.

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