Fanta Régina Nacro : les yeux grands ouverts

Publié le 17 juillet 2005 Lecture : 2 minutes.

Première réalisatrice burkinabè de fiction, Fanta Régina Nacro s’est lancée dans le long-métrage. Ses courts-métrages ont fait le tour du monde, et le plus célèbre, Bintou, portait ses « marques » de fabrique : un thème social, une pointe de féminisme et une bonne dose d’humour. Avec La Nuit de la vérité, sorti en janvier dernier dans son pays – et à l’affiche à Paris depuis le 6 juillet (voir J.A.I. n° 2322) -, elle bouscule son image. Dans ce film qui traite des conséquences dévastatrices d’une guerre civile dans un pays africain qui n’a pas de nom, l’atmosphère est tendue. Le dérapage et l’horreur ne sont jamais loin. Ce tournant dans la carrière de la réalisatrice démontre combien elle fait partie des femmes qui comptent dans le cinéma du continent.
Née en 1962 dans l’est du Burkina, la petite Fanta voyage au rythme des affectations de son père enseignant. Elle arrive à Ouagadougou à 14 ans et fera partie de l’avant-dernière promotion de la mythique École africaine des métiers du cinéma, aujourd’hui disparue. À Paris, elle passe une maîtrise et un DEA d’études cinématographiques et visuelles à l’université Paris-IV, puis une deuxième licence de cinéma à la Sorbonne. Lors de sa première année de doctorat en sciences de l’éducation, en 1991, elle réalise son premier court- métrage. Suivront sept documentaires et cinq fictions jusqu’en 2003.
Très engagée dans la lutte contre le sida (elle a créé à Paris l’Association pour le développement du Burkina, qui fait de la prévention et du soutien aux malades), elle prend le sujet à bras-le-corps avec Le Truc de Konaté (1998). « Des membres de ma famille, des amis mouraient du virus. Les films sur la question étaient tellement sombres et durs : il fallait trouver un moyen de faire un film comique. Et j’ai réussi le pari. Après sa sortie au Burkina, des jeunes allaient chez le boutiquier demander « le truc de Konaté », ça a aidé à banaliser la capote. »
Cette pionnière se félicite du nombre de jeunes femmes burkinabè qui se mettent à la réalisation. Pour dynamiser le secteur, mais aussi marquer sa volonté d’indépendance, Fanta Régina Nacro monte en 1993 sa propre maison de production, Les Films du défi. Aujourd’hui, avec l’aide de coproductions étrangères, la réalisatrice produit ses films et ceux de jeunes en qui elle croit.
Entre deux voyages de promotion pour La Nuit de la vérité, qui connaît un gros succès au Burkina, la réalisatrice travaille « lentement, mais sûrement » sur son deuxième long- métrage. « Il sera plus comique ! Je vais renouer avec mes vieilles habitudes », confie-t-elle avec malice. Fanta Régina Nacro, toujours interpellée par les problèmes de société de son pays et de l’Afrique, a aussi deux documentaires en projet. « J’ai du mal à faire autre chose… Je suis très sensible à la misère, à la vie des gens. Je regarde beaucoup autour de moi. » À voir la justesse avec laquelle elle a toujours abordé les sujets et les personnages de ses films, nul doute qu’elle garde les yeux grands ouverts.

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