La guerre des low-cost

Arrivées en force, les compagnies européennes à bas prix menacent de grignoter des parts de marché aux pavillons nationaux. Qui cherchent une parade.

Publié le 17 juin 2007 Lecture : 4 minutes.

Des billets d’avion entre la France et la Tunisie à des prix imbattables ! Qu’on en juge par les tarifs promotionnels affichés par Transavia, la nouvelle compagnie française de vols loisirs. Depuis le 1er juin, son Boeing 737-800 flambant neuf relie quotidiennement la capitale française à l’île de Djerba, l’une des principales stations balnéaires tunisiennes. Prix d’un billet aller : à partir de 79 euros ! Quant à l’aller Paris-Monastir – les vols démarreront le 11 juillet à raison de quatre liaisons hebdomadaires -, il sera proposé à partir de 69 euros. À tire de comparaison, le billet plein tarif aller-retour coûte jusqu’à 794 euros pour Djerba et 731 euros pour Monastir.
Lancée en mai, Transavia ambitionne d’offrir à « des prix compétitifs » des vols réguliers et non réguliers au départ d’Orly-Sud vers une quinzaine de destinations loisirs dans les pays du Bassin méditerranéen, dont la Tunisie et le Maroc. Elle s’adresse aux clients directs (les particuliers) et aux voyagistes. A priori, c’est une bonne nouvelle pour les particuliers. « Le principe est simple. Plus on achète son billet tôt, moins il sera cher, explique un voyagiste. Si le nombre de sièges réservés aux particuliers sur chaque vol est important et que les prix affichés ne sont pas des leurres, on pourra alors dire que la concurrence par les prix existe sur le marché des vols réguliers entre les deux pays, jusque-là quasiment monopolisé par Tunisair et Air France. »

La nouvelle de la desserte à bas tarifs de Djerba et Monastir par Transavia connaît un grand succès dans les échanges de groupes sur Internet, surtout auprès des jeunes Français. Les résidents tunisiens, eux, ne constitueront qu’une partie « très minoritaire » des passagers de la compagnie. Au moins cinq d’entre eux qui s’étaient présentés la première semaine de juin au guichet d’enregistrement de l’aéroport de Djerba munis de leur réservation par Internet n’ont pas été autorisés à embarquer. Explication : Transavia, qui a obtenu l’accord de principe de Tunis pour desservir Djerba et Monastir en vols réguliers dans le cadre de l’accord aérien tuniso-français, n’avait toujours pas obtenu l’approbation de sa grille tarifaire initiale, où l’aller simple Paris-Djerba était proposé à partir de 30 euros ! Face aux réticences tunisiennes, la compagnie a dû présenter une seconde grille plus raisonnable, qui devrait être approuvée, ou rejetée, d’ici à fin juin. En attendant, Tunis a autorisé Transavia à poursuivre ses vols dans les conditions du charter (pas de passagers individuels). Les Tunisiens pourront sans doute voyager avec Transavia dès le début de juillet, mais ils devront attendre la rentrée pour obtenir des billets aux prix affichés en juin.
L’arrivée de Transavia est incontestablement une bonne chose pour le tourisme. En 2006, on a enregistré un total de 6,5 millions d’arrivées au plan national, dont 1,234 million de Français. En haute saison, une centaine de compagnies charters de plusieurs nationalités desservent les sept aéroports du pays. Les aéroports de Monastir et de Djerba absorbant près des deux tiers du trafic passagers annuel, Transavia devrait se tailler la part du lion sur le marché, d’autant qu’elle est la filiale du groupe Air France/KLM (60 % pour le premier, et 40 % via Transavia/Pays-Bas pour le second). Elle travaille, en outre, pour les voyagistes partenaires actuels du groupe comme Club Med, Fram, Nouvelles Frontières, et bien d’autres, qui disposent de chaînes hôtelières dans le pays.

la suite après cette publicité

Cette montée de la concurrence n’est cependant pas forcément une bonne nouvelle pour les opérateurs qui s’attendent à un changement dans le paysage du marché aérien, du moins sur l’axe France-Tunisie, qui représente 26,6 % du trafic aérien global de la Tunisie en 2006. Si la bataille des prix pour les passagers individuels est attendue seulement pendant les périodes de basse saison, la conquête des parts de marché devrait s’étaler tout au long de l’année. Lionel Guérin, directeur général de Transavia, estime qu’avec l’arrivée de sa compagnie la part du pavillon français en régulier et charter sur l’axe franco-tunisien devrait passer de 30 % en 2006 à 40 % à partir de 2007. Soit une perte d’au moins 10 % à court terme pour le pavillon tunisien, formé essentiellement par Tunisair et les deux privées Nouvelair et Karthago Airlines, qui opèrent toutes deux des vols charters, mais aussi réguliers, notamment sur Paris.
Tunisair, dont la part de marché dans le trafic charter s’est élevée à 28 % en 2006, prépare la riposte. Le 15 mai, le président Zine el-Abidine Ben Ali a donné son feu vert à un projet de restructuration de la compagnie aérienne Tuninter, rebaptisée Seven Air, une filiale à 100 % de Tunisair, qui assure les vols domestiques et quelques dessertes de voisinage. La restructuration, indique-t-on, s’inscrit dans le cadre d’une « nouvelle politique commerciale fondée sur la complémentarité entre les réseaux de cette compagnie et ceux de la compagnie nationale Tunisair, et de l’adoption de nouveaux modes de commercialisation des services de transport aérien ». Sauf que l’ex-Tuninter ne dispose que d’appareils à court rayon d’action, des ATR franco-italiens. Ben Ali, précise-t-on, a recommandé d’en renforcer la flotte et de promouvoir la qualité de ses services. Autant dire que le lifting de la compagnie pour en faire un opérateur capable d’affronter la concurrence internationale pourrait bien ne pas être pour demain.

Nouvelair, sentant le vent tourner quand Transavia a annoncé ses plans de vol pour la Tunisie, a décidé de suspendre, dès le 1er avril, la commercialisation de son vol régulier entre Monastir et Paris. Elle veut, dit-elle, réajuster sa stratégie « en prévision des défis qui se poseront dans le futur et en vertu de la libéralisation du ciel ». C’est aussi dans la perspective de cette ouverture du ciel (open sky), qui a provoqué la prolifération des compagnies low-cost, que Nouvelair et Karthago Airlines étudient depuis décembre 2006 la possibilité d’un « rapprochement » pouvant aboutir à la fusion. D’autant que d’autres compagnies mi-low-cost mi-charters pointent à l’horizon.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires