Vues de l’Élysée

Publié le 17 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Le président français Jacques Chirac, c’est connu, s’intéresse à l’Afrique. À preuve, selon de très bonnes sources : il lit régulièrement le journal que vous avez entre les mains et il lui arrive de le renvoyer à ses collaborateurs, annoté d’un « je ne suis pas d’accord » ou d’un « argument intéressant à développer ». Cet intérêt étant par définition multiforme, voici quelques anecdotes fraîchement recueillies au 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré l’adresse de l’Élysée, pour ceux qui l’ignoreraient encore.

Togo Le fameux communiqué adressé à la famille du défunt et au peuple togolais dans lequel Chirac déplore le décès de son « ami personnel », le général Eyadéma, et qui lui valut une volée de bois vert de la part des médias (« qu’est-ce qu’on n’a pas pris ! » soupire l’un de ses collaborateurs) a une histoire. Le président français s’apprêtait à
quitter Brazzaville, le 5 février, lorsque la nouvelle de la mort lui est parvenue. Aussitôt, un texte de condoléances a été rédigé, que Chirac a approuvé après y avoir ajouté le mot « ami ». Dans l’Airbus du retour, on apprend que l’armée togolaise vient de « confier » le pouvoir à Faure Gnassingbé, en violation de la Constitution. Jacques Chirac réagit aussitôt : il faut rajouter au communiqué un paragraphe condamnant le coup de force. Trop tard, les condoléances ont déjà été expédiées et rendues publiques. Agacé, le président téléphone depuis son avion à ses homologues Olusegun Obasanjo (Union africaine) et Mamadou Tandja (Cedeao) pour les inciter à faire preuve de la plus grande fermeté et leur assurer que la France se rangera derrière leur position. Quant à l’ambassadeur en poste à Lomé, il reçoit des consignes claires : aucun contact avec Faure et ses proches tant qu’ils s’accrocheront au pouvoir.

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Voyages Humour macabre sur une série noire qui commence, dit-on, à interpeller l’intéressé lui-même. Jacques Chirac était en visite à Abuja lorsque Hassan II est mort, il était à Yaoundé quand Laurent-Désiré Kabila a été assassiné et à Brazzaville le jour du décès d’Eyadéma. Compte tenu de son programme africain pour 2005 un voyage à Madagascar, en juillet, et un déplacement à Bamako, fin novembre , qui seront les prochains sur la liste ?

Sahara L’affection quasi paternelle que Chirac voue à Mohammed VI est connue. Au point que rien ne filtre jamais de leurs longs tête-à-tête, le président français s’abstenant, contrairement à son habitude, de briefer son entourage à leur issue. Chacun sait, pourtant, que Chirac partage totalement le point de vue marocain sur le Sahara occidental.
Beau joueur, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a eu à ce sujet une petite phrase qui fait sourire les collaborateurs de l’Élysée : « Ce n’est pas de ma faute si Jacques Chirac est membre de la famille royale marocaine ! »

Kabila Le jeune président congolais est sans conteste le « chouchou » africain (avec M6, bien sûr) de Chirac. Lequel ne tarit pas d’éloges sur lui. « Ce garçon m’épate, chapeau l’artiste », répète-t-il. La manière dont Joseph Kabila, venu de nulle part, s’est peu à peu imposé dans la mare aux caïmans congolaise fait l’admiration du Français. « Enfin une raison d’être optimiste pour l’Afrique ! » conclut-il. À quand un Kabila à Abidjan ?

Gbagbo, Ouattara, Soro, Bédié… Chirac est en panne d’interlocuteurs ivoiriens. Il ne parle plus à Laurent Gbagbo depuis plus de cinq mois (précisément: depuis les incidents d’Abidjan, début novembre 2004) et ne s’est pratiquement jamais entretenu avec Alassane
Ouattara, toujours aussi peu apprécié à l’Élysée, ni avec Guillaume Soro, qu’il considère un peu comme un garnement. Quant à Henri Konan Bédié, il n’échange avec lui que quelques rares banalités téléphoniques en général pour lui reprocher de s’être autrefois ingénié à écarter Ouattara du jeu politique, alors même que ce dernier n’a jamais eu, à ses yeux, la moindre chance d’être élu. Pour le reste, Chirac a deux certitudes. La première est qu’en dépit de ses gesticulations Gbagbo ne demandera pas officiellement le départ du contingent Licorne, car il sait qu’en réalité « ce sont nos troupes qui le maintiennent encore au pouvoir ». La seconde est que ce même Gbagbo n’a dans son entourage ni « durs » ni « modérés », mais seulement des affidés qu’il fait sortir de leur boîte ou y rentrer
à volonté. Chirac s’est dit ainsi « impressionné » par le fait que, lors des violentes émeutes abidjanaises d’il y a cinq mois, aucun ressortissant français n’a été tué, alors que tous les dérapages étaient possibles : « Des consignes claires ont manifestement été données et respectées. »

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