« Une grande espérance déçue »

Publié le 17 avril 2005 Lecture : 2 minutes.

La situation de l’Église catholique est sérieuse. Mais celle-ci doit vivre. Elle a besoin pour cela – en vue de l’élection papale – d’un diagnostic, d’une analyse faite de l’intérieur sans enjoliver les choses. Il sera temps de discuter plus tard de la thérapie. Pour beaucoup de catholiques, ce pape symbolise une Église « potemkinienne », grabataire, qui se dessèche derrière une brillante façade. Peu de chose demeure de l’enthousiasme de l’époque du concile Vatican II (1962-1965). Beaucoup, résignés, se sont détournés de cette hiérarchie centrée sur elle-même. Certains se trouvent face à cette alternative : « collaborer ou s’en aller ».
Pour moi, Karol Wojtyla n’est pas le plus grand, mais le plus contradictoire des papes du XXe siècle. Pour simplifier les choses : sa politique extérieure incite le monde à la conversion, à la réforme, au dialogue. Mais sa politique intérieure conduit à la restauration du statu quo ante concilium, au blocage des réformes, au refus du dialogue oecuménique et à la domination romaine absolue. Cette contradiction apparaît dans de nombreux domaines. Je reconnais expressément les côtés positifs du pontificat, suffisamment relevés du côté officiel, mais je me concentre ici sur les contradictions du pontificat.

Jean-Paul II défend les droits humains à l’extérieur, mais les refuse à l’intérieur aux évêques, aux théologiens et avant tout aux femmes. Naguère ennemi déclaré des droits humains, mais de nos jours désireux de s’impliquer dans la politique européenne, le Vatican n’a toujours pas signé la déclaration des droits humains du Conseil de l’Europe. Trop d’articles du droit canon, de type médiéval et absolutiste, devraient d’abord être changés. La séparation des pouvoirs n’est pas reconnue dans l’Église. En cas de litige, une unique instance vaticane fait office de législateur, de procureur et de juge. Conclusion : un épiscopat servile et des situations juridiques insoutenables.
Ce pape prêche contre la pauvreté de masse et la misère dans le monde, mais se rend en même temps complice de cette misère par ses positions sur la régulation des naissances et l’explosion démographique. Jean-Paul II a pris position contre la pilule et le préservatif et pourrait pour cette raison être considéré, plus que tout autre homme d’État, comme coresponsable d’une augmentation incontrôlée de la population dans de nombreux pays et de la propagation du sida en Afrique. Conclusion : même dans des pays traditionnellement catholiques comme l’Irlande, l’Espagne et la Pologne, on s’oppose, ouvertement ou non, à la morale sexuelle rigoriste du pape. […]

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* Né en 1928, le théologien et philosophe suisse Hans Küng est l’une des figures majeures du catholicisme réformateur, largement écouté dans les pays anglo-saxons et germaniques, bien au-delà du monde catholique. Il conseille même les Nations unies. Prêtre, il a été (comme Joseph Ratzinger) l’un des conseillers officiels du concile Vatican II. Lorsque Rome lui a interdit d’enseigner la théologie catholique en 1979, l’université de Tübingen (Allemagne) a créé pour lui une chaire d’études oecuméniques afin qu’il continue son travail.

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