Que peut faire Gbagbo ?

Publié le 17 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Respectera ? Respectera pas ? Que fera le camp présidentiel ? Ces questions sont sur toutes les lèvres après la signature, le 6 avril, de l’accord de Pretoria. Le chef de l’État, à en croire certains membres de son entourage, semble décidé à mettre en oeuvre ce nouvel « arrangement », fruit de trois longs jours de tractations dans la capitale sud-africaine. Il aurait simplement besoin d’un peu de temps pour « rassurer » ses troupes, leur expliquer pourquoi il est revenu sur une position autour de laquelle il les mobilisait : le rejet de la candidature du leader du Rassemblement des républicains (RDR), Alassane Dramane Ouattara, à la présidentielle d’octobre prochain.
Pour être compris, le numéro un ivoirien a engagé, à partir du 18 avril, des « consultations » avec les groupes socioprofessionnels et les membres des institutions républicaines. Elles se dérouleront jusqu’au 3 mai. Première composante à être reçue au palais, dans la matinée du 18 avril, le mouvement des « Jeunes patriotes ». Son leader, Charles Blé Goudé, emmuré dans un silence inhabituel depuis le retour à Abidjan des participants au conclave de Pretoria, devait, de bonne source, profiter de l’occasion pour monter au créneau et inviter ses troupes à accepter tout « le plan de Mbeki pour la paix » et à commencer la mobilisation pour la victoire de Gbagbo à la présidentielle. Les « consultations » vont sonner le début de la campagne électorale de Gbagbo, qui se positionnera comme « le candidat de l’intérieur » par opposition à ceux de « l’extérieur » imposés par l’étranger, comme le défenseur de la Côte d’Ivoire face à ses « agresseurs » (entendez « le bloc rebelle », comme les partisans du président appellent le G7)…
La position du camp présidentiel semble avoir véritablement bougé le mardi 5 avril. Ce jour-là, au cours du huis clos sur l’article 35 de la Constitution (relatif aux conditions d’éligibilité à la présidence de la République), l’ex-chef de l’État Henri Konan Bédié a pris la parole. Dans une sorte de mea-culpa, il avoue que l’article 49 du code électoral de 1994 (ancêtre de l’article 35) avait de facto pour effet d’empêcher la participation de Ouattara à la présidentielle de 1995. Avant de conclure : « Après Ouattara, j’ai moi aussi été empêché de me présenter à l’élection de 2000. Arrêtons tout ça maintenant, et laissons tout le monde participer à un vrai scrutin. »
Prenant la parole, le leader des Forces nouvelles, Guillaume Soro, commet un lapsus volontaire et fort éloquent : « Camarade Laurent Gbagbo. Pardon. Monsieur le Président… » Une entrée en matière pour justifier un long rappel sur ses rapports avec l’opposant historique arrivé à la tête de l’État, et mettre en exergue la part de responsabilité de Gbagbo dans « le déchirement actuel du tissu social en Côte d’Ivoire ». Après quoi le chef de l’État a déclaré : « Je veux parler à Bédié devant Mbeki. Il faut que Ouattara reste pour assurer la traduction de mes propos du français à l’anglais [à l’intention, bien évidemment, du président sud-africain]. » Les quatre hommes n’allaient sortir qu’au bout de plusieurs heures de conclave au cours desquelles ils sont tombés d’accord sur l’acceptation de la candidature à la prochaine présidentielle de tous les signataires de l’accord de Marcoussis de janvier 2003. Il ne restait à Mbeki qu’à donner forme à ce gentlemen agreement.
À cette importante avancée deux raisons principales. Il y a d’abord le facteur Mbeki. Le médiateur a su écouter et mettre en confiance Gbagbo, à qui il n’a jamais manqué de témoigner la considération due à son rang. Ce dernier ne s’est d’ailleurs pas privé de dire son admiration pour la méthode de travail de son homologue.
La deuxième raison tient au contexte. Est venu à Pretoria un Gbagbo isolé, tenu à distance par le président français Jacques Chirac, boudé par le président de l’Union africaine (UA) Olusegun Obasanjo, perçu comme étant de mauvaise foi par le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan. Il ne pouvait se permettre d’ajouter Mbeki à la liste déjà longue de ses pourfendeurs parmi les chefs d’État africains.
Faut-il pour autant croire que l’accord de Pretoria sera mis en application ? Si tout porte aujourd’hui à le croire, la confusion sémantique de ces premiers jours invite à quelque prudence. Là où, à propos de la lettre de Mbeki aux protagonistes de la crise, Gbagbo parle de « propositions », et son porte-parole Désiré Tagro de « suggestions », le président sud-africain emploie le terme de « décisions ». N’est-ce pas très tôt pour oublier les engagements fraîchement pris à Pretoria ? Assisterait-on aux signes précurseurs d’une énième rebuffade ?

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires